Par Fatou Binta Gueye
Laurence Elong-Mbassi est née en France mais elle repart très tôt au Cameroun puis au Bénin, c’est là qu’elle fera son secondaire, c’est aussi de ce vécu qu’elle tirera toute l’essence de son africanité. Détentrice d’un DEA de Droit Fiscal à Paris II et d’un DESS de droit des affaires et fiscalité à Paris V très tôt elle se passionne pour son métier. Elle passe son examen d’Avocats (CAPA), puis commence à travailler chez Baker & McKenzie et va rejoindre le département juridique et fiscal Afrique d’Ernst& Young en 2008.
C’est à l’origine sa rencontre avec Joseph Pagop, Associé du département Afrique d’Ernst& Young, à l’époque où devait se faire Africités Marrakech, que Laurence Elong-Mbassi chargée d’animer l’atelier sur la fiscalité, commencera sa carrière au sein du célèbre groupe d’avocats.
Laurence Elong- Mbassi
Elle est la fille du Secrétaire Général de la CGLUA, et elle avait aussi mis sa «patte » dans cet évènement, puisqu’elle était présente à Africités Nairobi en 2006. C’est à Nairobi, en aidant dans l’organisation de ce Sommet, que Laurence Elong-Mbassi réalisait alors qu’aucune session ne s’adressait à la thématique de la fiscalité en Afrique. En 2009, durant Africités Marrakech, elle fera donc une session avec Joseph Pagop pendant laquelle avaient été évoquées les problématiques de la fiscalité et du développement local. Aujourd’hui, il y a une vraie question qui se pose, celle de savoir comment les Etats africains font pour assurer leur transition fiscale, sachant que les droits de douane sont plafonnés à horizon 2020. UFFP a évoqué avec Laurence Elong- Mbassi toutes les questions relatives à la fiscalité en Afrique, mais également les thématiques brulantes sur le droit des femmes, leur autonomie et leur développement durable dans le Continent.
Entretien avec UFFP :
Aujourd’hui il y a un vrai besoin de développement des infrastructures en Afrique ? Oui absolument, la plupart des Etats sont dans une dynamique qui les pousse à attirer des investisseurs en leur proposant des exonérations fiscales assez larges. En même temps on a un problème de financement. Donc il faut trouver un équilibre entre les deux variables.
Parlez-nous du contenu de cette session Africités Marrakech ? On a échangé avec un intervenant de Madagascar qui nous a exposé la méthode des résultats rapides. Cela permet d’identifier dans des communes de taille assez petites, tous les contribuables qui sont propriétaires fonciers et du coup avec un cadastre qui avait été élaboré de manière assez artisanale, mais cela a permis dans des temps records, d’augmenter les ressources fiscales des communes qui ont eu affaire à cette initiative. On a aussi évoqué la question du registre foncier et urbain qui a en fait permis la réalisation d’un cadastre au Bénin. Nous avons fait des recommandations et cette question a été évoquée en filigrane au Sommet de Dakar. Et aujourd’hui, on pourrait dire que le bilan n’est toujours pas bon. Les Etats africains doivent encourager le transfert des ressources aux collectivités locales mais aussi, il leur faut réfléchir sérieusement à un moyen d’assurer leur transition fiscale pour financer leur besoin de financement. Dans un contexte de crise comment faire pour capter plus d’impôts avec l’assiette qui existe déjà ? Sachant qu’il y a en Afrique, une bonne partie de la population qui n’est pas fiscalisée.
Vous revenez de d’Africités Dakar, votre bilan ? Je suis très contente que la question du développement local soit portée par Macky Sall pour être inscrite dans les institutions de l’Union Africaine. Je trouve qu’aujourd’hui, AFRICITES permet de faire avancer les choses grâce à tous les partenariats qui ont été conclus entre les gouverneurs chinois et les collectivités locales africaines. Il y avait également la Turquie qui était présente et l’Amérique Latine. De plus en plus on réalise que l’Afrique compte mais les africains doivent continuer leur travail en se structurant un peu plus. Mais sans ignorer la question politique car sans volonté politique réelle on n’avancera pas. En marge, il y énormément de progrès économiques qui sont faits. Mais au niveau des Etats il faut aussi une vraie volonté de faire bouger les choses et que l’on ait également des démocraties qui permettent de se développer dans un contexte de paix. Il y a des modèles comme le Ghana, et c’est possible d’avancer en étant structurés. Les choses vont se faire de manière lente mais sure !
Vous avez choisi le droit pour quoi ? J’ai toujours été intéressée par les problématiques de justice, j’ai aussi choisi le droit car c’est une matière qui permet de régler les relations des hommes dans une Société. Et la fiscalité est mon choix, car c’est une matière à la croisée des chemins. On est certes dans une dimension chiffre, mais c’est une matière éminemment économique et politique et les enjeux derrières sont importants. Pour moi, cela est d’autant plus vrai lorsque l’on pratique la fiscalité en Afrique. En effet, il reste encore beaucoup de choses à développer dans ce domaine, telles que par exemple l’accès plus facile à la documentation fiscale. Mais ce sont les difficultés apparentes de mon métier qui le rendent justement très intéressant!
S’agissant du genre et de la parité en Afrique ? Il y a encore énormément à faire et la question du genre et de la diversité n’est pas propre à l’Afrique. Mais s’agissant du continent africain, la place de la femme et ses questions sont liées à l’éducation, l’accès à l’école. On ne peut dire qu’il y a une raison qui explique les discriminations sur les femmes. Les femmes elles-mêmes ont un rôle important à jouer. La question de la solidarité entre les femmes est importante et les femmes elles-mêmes sont à la source de la discrimination qui peut les ralentir. Au-delà de tout cela, les femmes elles-mêmes doivent être convaincues.
L’éducation traditionnelle n’est pas un facteur diminuant pour la femme ? Non pas forcément, ma grand même maternelle vendait des beignets elle n’est jamais allée à l’école. Elle m’a toujours dit que je devais faire la cuisine mais me disait aussi qu’il fallait que j’aille à l’école. Elle s’est toujours beaucoup intéressée à ce que je faisais à l’école et a eu à cœur de me faire comprendre à quel point c’était important que je réussisse. Ce sont deux aspects de la vie d’une femme qui s’articulent et qui en même temps doivent être distincts.
Le Women empowerment, une culture à développer ? Oui il faut se battre continuer à travailler et faire en sorte d’être les acteurs du changement, chacun à son niveau. Il y a déjà des avancées, on peut être positifs, il faut cependant changer aussi les mentalités. Je suis très optimiste, je vois qu’il y a un changement qui est en train de s’opérer. Sur Africités par contre elles étaient beaucoup moins présentes qu’à Marrakech. Il y avait quand même le REFELA, réseau des femmes élues locales. Mais les femmes élues locales restent minoritaires dans leur pays. C’est un fait dominant. Mais j’ai été agréablement surprise de voir la Ministre de l’Aménagement du territoire comme le porte-parole du Président Macky Sall. Donc les choses sont en train de changer en douceur.