Le mot de la Présidente de UFFP
On aurait aimé une rentrée légère, dominée par un monde apaisé, soulagé par une reprise économique et une croissance retrouvées ou la religion serait source de réflexion et non pas de conflits, ou les femmes, les hommes, les enfants auraient des droits et assumeraient leurs devoirs, ou l’avenir de la planète et les générations futures seraient pris en compte.
photo Rim Temimi
Mais au lieu de cela, les religions divisent, opposent, tuent pour s’arroger un pouvoir terrestre en insufflant l’obscurantisme et en diffusant la haine. . Les guerres économiques autorisent ou justifient les plus grands crimes et les plus grandes humiliations. Et les armes les plus ignobles sont utilisées contre les populations civiles et notamment les enfants;
Cover photo Keith Harmon Snow ( reporter de guerre en RDC) édition spéciale Enfance t la Guerre. Couverture francophone
Les enfants. La guerre. Deux mots tellement loin l’un de l’autre, tellement opposés. Gazés en Syrie, embrigadés en RDC, mutilés pour des trafics d’organes en Asie, et, et, et !!!
Oui, pour cette rentrée, nous allons évoquer un sujet grave, difficile, souvent insoutenable. Parce que la vie est sacrée et celle des enfants peut être plus encore.
La guerre n’est souvent que le reflet de la folie des hommes. L’utilisation des enfants dans les conflits armés est le reflet de leur lâcheté et de leur inhumanité. Ce ne sont pas les enfants qui devraient en payer le lourd tribut mais pourtant, les chiffres ne mentent pas. Ils sont sur tous les fronts : victimes, témoins, acteurs et réacteurs de ces guerres d’adultes, instrumentalisés dans des « guerres sales », manipulés par des pseudos chefs de guerre qui les inhibent par l’alcool et le drogue. Le droit des enfants à la liberté d’exister en paix et bonne santé est largement négligé et ce sur tous les continents. Bien des politiques pourtant clament la main sur le cœur, que les enfants sont le lendemain des Nations. Qu’ils seront les dirigeants de demain ; mais cela se limite le plus souvent à de la rhétorique. Après avoir signé la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant et la Charte africaine sur les droits et la protection des enfants, nombres chefs d’Etats africains continuent d’occulter ces belles promesses démagogiques. Cependant, ils n’hésitent pas à y faire référence, se vantant d’avoir placé les besoins et les droits des enfants au cœur de leur programme de développement. Dans les faits, qu’en est-il ?
Cover photo Keith Harmon Snow ( reporter de guerre en RDC) édition spéciale Enfance t la Guerre. Couverture anglophone
UFFP english edition cover signed by war reporter and american activist Keith Harmon Snow.
Les lois et les conventions ne sont pas mises en application, c’est le problème le plus crucial. Les lois contre les viols et l’embrigadement des enfants sont présentes mais on continue de les détourner et de les contourner. Personne ne punit les offenseurs pas même les tribunaux pénaux internationaux mis en place qui ne peuvent pas faire leur travail, car les enquêtes ne sont possibles qu’en cas de situation très grave. Les gouvernements par ailleurs, n’aiment pas poursuivre les offenseurs, et lorsqu’il n’y a pas absence de volonté politique, il y a absence de compétence.
L’enfance guerrière n’est pas un mythe ni même un archétype, elle existe depuis la nuit des temps (Enfance et Violence de guerre, Tome I et II ) et c’est malheureusement un phénomène qui n’est pas prêt de s’estomper.
Nous avons choisi dans cette édition de nous intéresser aux enfants de la RDC, car nous avons travaillé étroitement avec Murhabazi Namebage Directeur du BVES, asbl Bukavu, Sud-Kivu, RD Congo, prix Harubuntu 2013.
En effet dans cette région, ce problème est dramatique. C’est un problème national , mais aussi récurrent puisque cette situation perdure depuis maintenant plus de 10 ans. Il est aujourd’hui concentré dans la partie Est de la RD Congo (en Ituri, dans la partie-Est de la Province du Katanga et dans les Kivu (Nord et Sud-Kivu) où des dizaines des groupes armés combattent l’armée officielle tout exploitant les ressources naturelles de façon sauvage.
Ces « enfants de la mort » seraient encore estimés à près de 3.000, alors que plus de 40.000 ont été libérés dans le cadre du Programme National de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion lancé depuis 2004.
Pour les sortir de cette spirale infernale, la tâche n’est pas mince, mais pourtant elle est nécessaire et ses étapes sont laborieuses. Il ne faut pas crier victoire rapidement, on ne pourra sauver l’enfance de guerre manipulée à faire la guerre qu’à travers un programme d’accompagnement psycho-social , une prise en charge humanitaire et surtout un soutien à leur réinsertion sociale et donc scolaire et professionnelle.
D’où le rôle crucial des Centres de Transit ( comme on en trouve en RDC) qui prennent en charge pendant 3 mois des jeunes repentis victimes ou coupables. Exécutés par un personnel pluridisciplinaire formé, motivé et engagé, en coopération étroite avec les structures étatiques, les agences de l’ONU (UNICEF, PAM), la MONUSCO, des ONG internationales de défense des droits humains, ce programme s’appuie surtout l’implication active des communautés de base d’où sont issus ces enfants soldats. Les premiers résultats sont encourageants, très encourageants même. Mais, il n’y a pas de miracle, ces programmes de désembrigagement couteux et sans volonté politique et sans moyens, ils ne pourront se poursuivre alors qu’ils devraient se faire dans la durée. Il faut en tout cas se dire que cela vaut la peine d’essayer et que chaque enfant arraché des griffes de la maltraitance de guerre est un pas vers l’avenir.
Il est important de préserver le capital qu’est l’enfant.
Il faut qu’il puisse grandir et s’épanouir avec le maximum d’atouts et tout doit être fait en vue de protéger et de garantir son développement physique et psychologique. Car nos enfants ne sont pas notre propriété ou notre marchandise, mais notre avenir !
Chers lecteurs, cette édition fera un tour d’horizon sur l’enfance en Afrique particulièrement avec la problématique des filles des rues, des talibés, de la pédophilie, des enfants soldats.
Mais, rassurez-vous, il y aura également des reportages plus légers, sur la mode, la beauté, l’Art, la littérature.
Couverture mode. Stylisme Harlem Masamuna pour RA. Collection Cold Sahara. Photo Jana Hernette.Couverture anglophone internationale
Une rentrée bien chargée et bien remplie, qui vous montrera cette humanité en pleine ébullition, qui se construit et se déconstruit, car nous sommes persuadés que c’est la fin de quelque chose et que toutes les tragédies qu’elles soient, humaines, écologiques, politiques, économiques du Nord au Sud sont autant de signes annonciateurs que quelque chose de nouveau est en train de se construire.
Alors, c’est avec espoir que nous vous embarquons dans notre Caravane de l’amour, de la tolérance, du pardon et de la réconciliation.
Couverture mode. Stylisme Pauline le Diolen. Photo Jana Hernette.Couverture francophone internationale
Chers UFFPiens dans l’attente du bonheur de vous croiser sur la Toile, de vous faire partager nos aventures, nous vous souhaitons une magnifique rentrée pleine de zen et de constructivité.
Fériel Berraies Guigny