Le Professeur Marc Gentilini est Délégué général pour l’accès à des médicaments et une santé de qualité.
Spécialiste des maladies infectieuses et tropicales, le Professeur Marc Gentilini a dirigé pendant 30 ans le service des maladies infectieuses et tropicales, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Président de la Croix-Rouge française de 1997 à 2004, il est aujourd’hui Président de l’Organisation PanAfricaine de Lutte pour la Santé (OPALS), ainsi que Président Honoraire et Membre de l’Académie Nationale de Médecine. Grand Officier de la Légion d’Honneur, le Professeur Marc Gentilini a reçu la Grande Médaille d’Honneur de la Croix Rouge Française en 2008.
UFFP s’est entretenue avec le Professeur Gentilini en prévision du 19e Concert des Saisons de la Solidarité ‘ un événement organisé (par la Fondation Chirac et avec le partenariat de l’Orchestre de l’Alliance) qui aura lieu le 9 mai à la Salle Gaveau, Paris. Les recettes de ce concert aideront à financer le Centre de Traitement Ambulatoire Pédiatrique (CTAP) de l’hôpital Youpogon à Abidjan en Côte d’Ivoire.
1/ Vous avez été Président de la Croix Rouge française, parlez-nous de cette expérience passée. Quel bilan faites-vous s’agissant de la prise en charge des populations en danger aujourd’hui ? À la base, vous êtes spécialisé dans les maladies infectieuses et tropicales, l’Afrique est donc une évidence pour vous ?
Président national de juin 1997 à décembre 2004, mes deux mandats à la Croix Rouge Française ont été pour moi une seconde vie succédant à celle de chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, pendant 30 ans !
L’audience acquise dans la lutte contre les affections exotiques puis l’émergence du SIDA en 1981 et ses conséquences en Europe, mais surtout en Afrique, nous ont contraints à mener un engagement de chaque instant alors que nous étions en plein déni du drame par l’OMS. J’ai cherché à sensibiliser les responsables politiques de la gravité de la pandémie de SIDA dont l’épicentre était l’Afrique des Grands lacs. Accompagnant Jacques Chirac lors de la conférence, en décembre 1997, à Abidjan sur cette maladie, j’ai pu le convaincre de déclarer publiquement que l’Afrique avait droit aux antirétroviraux et que l’accès des médicaments de qualité ne pouvait pas être réservé aux pays nantis mais que le partage et la solidarité était un devoir pour tous.
En dehors de cet engagement de la France, j’ai incité la Fédération des Sociétés de la Croix Rouge et du Croissant Rouge à engager le Mouvement dans la lutte contre cette maladie.
Mais vous savez, les organisations caritatives ont parfois du mal à innover ; en France, j’aurais voulu que secouristes et bénévoles s’engagent résolument dans les « quartiers difficiles » ; je me suis heurté à des réticences, des craintes et des peurs qui ont abouti, dans ce secteur représentant pourtant les « Solférino » de notre siècle, à un échec.
2/ Aujourd’hui vous êtes président de l’OPALS ? Parlez-nous de vos principales actions sur le terrain ? Quels sont les plus grands défis notamment dans la région sinistrée du Sahel ? Quand les conflits et l’instabilité politique s’en mêlent c’est encore plus difficile pour vous ?
Créé grâce à l’engagement personnel du maire de Paris en 1988, l’Organisation PanAfricaine de Lutte contre le Sida, l’OPALS, a mis en place les premiers Centres de traitement ambulatoires (CTA) qui ont accueilli et traité, à Brazzaville, à Dakar et ailleurs, les patients victimes de cette virose. Le concept de ces Centres a été retenu comme modèle par ONUSIDA et le Fonds Mondial. Après un « mariage » ou un « pacs » avec la Croix Rouge pendant ma présidence, nous nous sommes séparés à mon départ et j’ai repris la direction des opérations de l’OPALS.
Nous devons beaucoup à la Ville de Paris qui a maintenu, au-delà des changements d’orientation politique, sans interruption ce service. Ainsi, une aide précieuse a pu être apportée aux malades du Togo, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire… Mais, partout, la Paix civile a été la condition de l’efficacité ; des guerres intestines ont détruit ou endommagé provisoirement certaines structures au préjudice des malades…
3/ Il y a un certain attentisme de la Communauté internationale comme si tout cela est une fatalité ? Que faudrait-il faire pour faire éveiller les consciences ? Des initiatives comme celles de la Fondation Chirac, un début non ? Ce concert avec l’orchestre de l’Alliance aussi non ? La culture, l’art au service des belles causes, vous en pensez quoi Et si je vous disais la mode et la culture pour la paix comme pour notre plateforme UFFP ?
La crise financière et économique à laquelle sont confrontées les Nations qui se croyaient riches a déjà remis en cause le niveau de leur participation en faveur des plus pauvres. En dépit de financements innovants telle la taxe sur les billets d’avion, l’aide publique d’Etat ne pourra que diminuer si la crise perdure ou s’aggrave ; les collectivités territoriales (mairies, départements, régions) sont confrontées aux mêmes difficultés. L‘aide privée de milliardaires prodigues ou de donateurs modestes coalisés ne peut pallier le désengagement des Etats. L’argent sera incontestablement de plus en plus rare et de plus en plus cher ! Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les pays les « moins avancés ». Un proverbe chinois affirme : « quand les riches s’appauvrissent, les pauvres meurent ».
Un concert, le concert de l’Alliance, dans tout cela ? Quelques notes égrainées qui peuvent cependant mobiliser et appeler à plus d’équité pour une vie, plutôt pour une sur-vie au quotidien et une présence de cette culture au service des belles causes, au milieu du naufrage d’un univers d’indifférence et de gaspillage.
4/ La problématique de l’eau, de la santé, de la sécurité alimentaire dans la région Sahel est cruciale ? Aujourd’hui même l’accès aux médicaments non frelatés est un défi ?
Vous avez raison, l’accès à l’eau potable et la sécurité alimentaire sont deux conditions pour accéder à la santé notamment dans le Sahel où l’eau est rare et pourrait devenir exceptionnelle, même si on promet que son sous-sol est une mer profonde. « L’eau c’est la vie », répète-t-on ; oui, mais une eau douce, saine en quantité suffisante, à distance convenable et à un coût abordable pour les plus démunis.
Le Sahel et les grands déserts voient fuir leur population et s’installer, en toute impunité, des circuits de trafiquants mafieux et mortifères : armes, carburants, drogues, alimentation, eau et même médicaments falsifiés… Les chefs de bandes, ou les hobereaux locaux vont déstabiliser des régions déjà fragiles. Ancien médecin de Gao, Kidal et Menaka, je sais de quoi je parle et on ne peut que déplorer la tragédie malienne qui s’installe devant nous, détournés par nos « légitimes » priorités démocratiques et nos ébats électoraux… itératifs.
5/ L’éthique n’est pas uniquement dans la gouvernance et l’accessibilité aux soins et leur démocratisation mais aussi dans la qualité des soins qui sont fournis aux populations du Sud ? Quelle est votre position ? Quel appel voudriez-vous lancer à nos lecteurs qui sont pour une planète éthique ?
L’éthique ? Je voudrais qu’on en parle moins et qu’on s’y engage davantage. Ceux qui ont de l’éthique « plein la bouche » me donnent souvent l’impression de manquer de morale ! Dans ce domaine, il faut être pragmatique et adopter une éthique qui colle aux réalités de la vie. Dans les pays pauvres, au-dessous d’un seuil facile à atteindre, il n’y a plus de santé accessible ; on meurt dans l’anonymat ou l’indifférence. « L’accès aux soins de qualité pour tous » est un des objectifs de la Fondation Chirac et « la lutte contre les médicaments falsifiés », faux vendus aux pauvres, devrait entraîner une double peine ! Hélas nous sommes loin du compte et les malfrats ont encore de beaux jours devant eux.
La masse de nos déchets qui encombrent nos cités, bientôt notre planète, liée à nos dysfonctionnements, retentit sur notre santé. Inquiétant, la mondialisation du gâchis et son intensification !
En dehors d’une catégorie d’humains en situation hautement précaire, quasi irréversible, la plupart de nos populations se plaignent de l’augmentation du coût de la vie et du prix du « caddy de la ménagère » ; leur revendication pourrait être maitrisée en consommant moins ! L’obésité fondrait et la santé publique en bénéficierait. Nos sociétés sont gavées en overdose d’aliments hypercaloriques, sucrés-salés inutiles et nocifs.
Ce qu’on jette, chaque jour, des cantines, des wagons-restaurants, des aéronefs, des repas collectifs, des aliments victimes d’une date de péremption, devrait donner lieu à des économies drastiques et l’argent reconverti… Et que dire des tonnes de l’aide alimentaire qui pourrissent dans des hangars parce que de dangereux débiles armés de kalachnikov, haineux, drogués, et « divinisés » entravent l’accès ou la distribution aux populations affamées…
Nourrir, Soigner et Eduquer ceux qui en ont tant besoin reste une priorité absolue.
Le monde est en crise, chacun le sait ; crise financière, économique, sociale et alimentaire mais surtout crise morale ! Il est grand temps que l’Esprit reprenne sa place mais rien ne sera résolu sans la Justice et la Paix.
Les années qui viennent seront rudes pour tous. L’indifférence n’est plus tolérable.
Bravo pour les objectifs et les grands principes humanistes que le Professeur GENTILINI expose ici, mais la crédibilité de son « concert de bienfaisance » pâtit grandement de l’invitée d’honneur en la personne de la Veuve Noire Dominique OUATTARA qui porte une grande part de responsabilité dans la mise à feu et à sang du la Côte d’Ivoire depuis 2002… Pour installer son mari au pouvoir, elle a financé, armé et soutenu la rébellion usant de son carnet d’adresse mondain pour satisfaire son goût infini pour le pouvoir fut-il illégitime… A ce professeur iconoclaste qui se revendique croyant, je ne dirai qu’une seule chose : Dieu ait pitié de son âme !
http://contrepoids-infos.blogspot.fr/2012/05/la-veuve-noire-ouattara-lindecence.html
L’éthique n’est pas uniquement dans la gouvernance et l’accessibilité aux soins et leur démocratisation. Quelle est votre position?
L’éthique ? Je voudrais qu’on en parle moins et qu’on s’y engage davantage. Ceux qui ont de l’éthique « plein la bouche » me donnent souvent l’impression de manquer de morale ! Dans ce domaine, il faut être pragmatique et adopter une éthique qui colle aux réalités de la vie. Dans les pays pauvres, au-dessous d’un seuil facile à atteindre, il n’y a plus de santé accessible ; on meurt dans l’anonymat ou l’indifférence.