Nous sommes à l’aube d’un monde nouveau, en tout cas nous les altermondialistes en sommes convaincus, qu’en pensez-vous?
Le monde est en train de changer, et cela de façon profonde. Les multiples crises que nous traversons – qu’elles soient économiques, financière, sociale, institutionnelle, environnementale ou morale – nous parlent de rupture. Ces crises sont le thermomètre qui nous indique qu’il y a un avant et un après, et que nous vivons une phase de transition. C’est à dire, dans un espace où beaucoup de changements radicaux sont possibles. Ceci s’accompagne d’un retour sur le sens des choses : nous avons besoin de trouver un sens à ces bouleversements, qui finalement nous renvoient à nous-mêmes, et à notre regard sur le monde, sur la vie. La question est bien sûr « Qu’y aura-t-il après cette phase de crises à répétition ? ». Ce monde sera ce que nous en ferons. Nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir construire un nouveau monde, basé sur des valeurs de respect : respect de soi, de l’autre et du monde. Un monde où l’humain – ou plutôt la Vie – reprenne sa place au centre.
Cette dynamique va bien au-delà de l’altermondialisme car il intègre la dimension personnelle : nous commençons à comprendre que le monde actuel n’est que le reflet de ce que nous avons construit, de ce que nous sommes, et par conséquent de nos propres limites personnelles. Nous comprenons aujourd’hui que le changement du monde va de pair avec le changement personnel. La phrase de Gandhi n’a jamais été autant citée ces 3 ou 4 dernières années « Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde«
Aujourd’hui c’est la fin d’un système, le capitalisme a tout broyé et les guerres de ce monde sont avant tout des guerres économiques sous couverts idéologique (ce qui se passe dans ma région, le monde arabe, le sahel et partout ailleurs) pourtant le peuple est toujours en otage ?
Nous vivons une époque où les élites ont repris tous les pouvoirs : économiques, financiers et politiques. La démocratie que connait le monde occidental depuis des décennies est en profond danger. Et pourtant elle avance dans beaucoup de pays du monde. Jamais « le peuple » – pour reprendre votre expression – n’a été autant éduqué que maintenant. Le changement ne peut venir que des gens. Alors, il importe de ne pas se victimiser. Cette posture est la pire de toutes : si nous nous sentons victimes, nous ne pouvons qu’être dans une démarche de soumission, ou de confrontation négative, voire de violence. Or il ne suffit pas de se rebeller. Il faut construire. Si nous prenons acte de notre capacité collective à contribuer à un changement, alors le changement arrive. Il faut donc passer d’une posture de victimisation à une posture de responsabilisation et d’action positive
Vous êtes un homme engagé un homme du terrain et de proximité, que pensez-vous qu’il faille faire pour résister? Le global partage prend la place du global ex change, les économies parallèles également, sommes-nous en train de construire un nouveau mode de consommation?
Équitable, durable, solidaire, green écolo, en France on ne comprend pas toujours la portée réelle de ces valeurs, beaucoup se sentent agressés, voir culpabilisés comment adoucir le discours?
L’action à travers la consommation est une action essentielle car elle peut aboutir à un changement du fonctionnement économique. Mais attention aux limites de l’action par la consommation. Ces démarches ne peuvent être qu’un moyen pour passer à une autre dimension du changement, et pas une fin en soi. Par exemple, il est intéressant d’agir en faisant le choix de produits bio. Mais malheureusement, ces produits ne représentent encore que quelques pourcentage de la production française et mondiale. Quand déciderons-nous d’interdire purement et simplement l’utilisation de produits dangereux qui sont responsables de milliers de morts chaque année, sans compter les innombrables maladies ? L’enjeu aujourd’hui, c’est de reprendre le pouvoir au plan politique et d’affirmer que la santé des êtres humains – et plus globalement du monde du vivant, en particulier les abeilles et autres insectes – est plus importante que le bénéfice net d’une multinationale quelle qu’elle soit.
La crise fait rage et elle est globale, pourtant les choses vont en s’empirant les grands et les politiques continuent leur atermoiements et pour beaucoup tout ce qui est durable devient un luxe, ne sommes-nous pas à contretemps de l’histoire?Les gens du Sud sont dans des réalités et des problématiques endémiques, le nord de plus en plus hermétique, comment agir dans une conscience planétaire réaliste ?
On aurait tort de dire que le monde va de plus en plus mal : nombreuses sont les personnes qui, de par le monde vivent beaucoup mieux – au moins au plan matériel – qu’il y a 20 ou 30 ans.
Il est légitime que les pays du Sud souhaitent profiter des apports du « développement » :en termes d’alimentation, d’accès à l’éducation et à la santé, de travail moins pénible, de temps de repos… Ceci étant, aujourd’hui, nous entrons dans une ère de manque avec la fin de l’accès facile à des ressources de base eau, pétrole, terres arables…
Parallèlement, nous constatons que nous avons tout saccagé, tout pollué : les rivières et les mers, l’air, nos terres… et jusqu’à notre propre alimentation.
Il nous faudra changer notre logique de consommation irréfléchie et destructrice. Nous découvrons que la terre a ses limites. Il nous faudra passer de « consommer plus » à « consommer mieux ». Pour cela, il nous faudra sortir de nos schémas de consommation compensatrice : que cherchons-nous à compenser lorsque nous avons une fièvre de consommation ; lorsque nous sommes addicts à la course au dernier objet high tech ou au « shopping ». Cette façon de vivre, bien ancrée dans le monde occidental, renvoie souvent à un mal-être personnel. C’est pourquoi, encore une fois, le dépassement des difficultés actuelles passera par l’amélioration du bien-être personnel. Alors, chacun pourra vivre de peu, sans le superflu actuel. Jamais nous n’avons autant parlé de bonheur et du « vivre ensemble » dans les médias. C’est un très bon signe. Sur ce plan, les pays du Sud, ont beaucoup à apprendre aux pays riches.
La pauvreté crée la maltraitance, l’abus et la cupidité, pourtant le combat est nécessaire?
Parlez-nous de votre expérience chez Max Havelaar et tout ce que vous avez appris auprès des ONGS dans lesquels vous avez œuvré? L’humain au fond n’est-il pas une entité quantifiable?
Pendant 20 ans, j’ai dirigé diverses ONG. Ce que je retiens, c’est que le combat à mener aujourd’hui n’est pas un combat « contre » (le système, les multinationales ou que sais-je encore). Les combats du 21ème siècle sont des combats POUR. Il s’agit de construire ensemble une autre façon de vivre ensemble. Construire…y compris avec nos ennemis d’hier. Ce qui suppose de dépasser nos préjugés, et notre conviction que nous détenons « la » vérité. Malgré la diversité des combats, ils se rejoignent aujourd’hui sur l’urgence écologique et sociale. Il en va de l’avenir de l’humanité.
Parlez-nous de Newmanity, l’utopie et la résilience créative suffiront-ils pour cette nouvelle humanité?
Newmanity s’adresse à tous ceux qui veulent participer à la construction d’une société différente. Vous voulez agir à votre mesure, sans pour autant être militant ? Vous découvrirez sur Newmanity.com de nombreuses possibilités d’action citoyennes et solidaires: pétitions, actions solidaires de proximité, événements, stages de formations, soutien à des initiatives…
Bien entendu, chacun – association ou individu – peut mobiliser les internautes en leur proposant ses propres actions.
Newmanity s’inscrit aujourd’hui dans cette nouvelle dynamique, où les changements n’arrivent pas du haut et des institutions, mais des individus. Nous avons le pouvoir de contribuer à ces changements que nous sommes nombreux à vouloir. A nous de l’utiliser. Aujourd’hui le monde va à sa perte car il est dans l’illusion profonde que demain un miracle arrivera, et que, en attendant, il est préférable d’accélérer notre course insensée qui va droit au mur. Construire une nouvelle humanité, ce n’est pas de l’utopie. C’est sortir de l’illusion. C’est finalement être réaliste.
Newmanity en quelques mots
Un réseau social centré sur les actions solidaires et citoyennes
Newmanity place les actions au cœur du réseau social : événements, recherche de bénévoles, pétitions, entraide de proximité…
Ainsi nos membres sont fortement incités à lancer des actions et les suivre, participer à des actions sur des sujets qui leur tiennent à cœur (consommation responsable et collaborative,développement durable, solidarité,…) et à communiquer sur leurs engagements.
La notion de proximité est particulièrement mise en avant, avec la possibilité de chercher des actions près de chez soi.
Par ailleurs, Newmanity propose aux professionnels (associations, entreprises et collectivités) une palette d’outils et de services leur permettant de communiquer sur leurs actions et de les diffuser auprès de membres ciblés.
En avril 2014, Newmanity compte 40 000 membres, principalement en France et en Belgique.