Modu Sèye est un enfant brillant qui depuis ses premiers pas à Grand Dakar au Sénégal, rêve d’Amériques. Il voulait y aller pour être basketteur professionnel au NBA, mais après un Bachelor (License en informatique) et une Maitrise en Administration des Affaire, au Nebraska, il tourne le dos à son métier d’informaticien pour s’adonner à sa passion : le fitness. Fort de sa capacité de vouloir aller loin jusqu’au ciel comme il le mentionne, il crée sa marque de vêtement « ModuVated » et devient entrepreneur. Nous l’avons rencontré lors de son passage à Paris le mois de septembre dernier où il était venu partager son expérience et prospecter de nouvelles cibles s’armant de ses quatre mots fétiches : Rêve, Passion, risque et Persévérance.
Propos recueillis par Aïssatou Diamanka-Besland
Vous arrivez aux États-Unis, il y a huit ans de cela en vous séparant de votre famille, Comment cela s’est passé ?
En réalité cela fait 11ans que je vis aux États-Unis. Je me souviens le jour de mon départ, j’étais très excité d’aller dans le pays de mes rêves. Mais au moment de partir, j’étais très triste de devoir quitter ma famille et mes amis. Je m’inquiétais du fait que je : n’allait pas les revoir sachant qu’eux aussi pouvaient partir vers d’autres horizons. Arrivé aux États-Unis, pendant les 8 premiers mois de mon séjour, j’étais très déçu, car les choses ne se sont pas déroulées comme c’était prévu. Deux semaines après mon arrivée, ma tante qui était censée m’hébergé m’a demandé de quitter son domicile. Face à cette brusque décision, j’ai été très choqué. C’est alors qu’un parent éloigné m’a proposé de m’héberger le temps que je trouve un colocataire. A partir de ce moment il fallait se mettre à l’évidence : ne compter que sur moi-même et j’étais prêt à bondir sur n’importe qu’elle occasion qui s’offrait à moi. Mon premier travail a été dans une station de lavage de voitures ou je ne gagnais que150 $ par semaine, j’étais fier d’avoir ce travail. Plus tard, j’ai appelé mon meilleur ami Abdul au Nebraska et deux semaines plus tard je pris le greyhound bus pour 26heures pour partager sa petite chambre. Une fois sur place, plus le temps passait plus ma situation devenait de plus en plus dure malgré mais cette galère j’ai pu garder la tête haute, ce qui m’a valu ce que je suis devenu aujourd’hui.
Pourquoi les États-Unis au lieu de la France, sachant que vous êtes originaire du Sénégal, pays historiquement plus proche de vous ?
J’admets que c’est plus facile pour les Sénégalais d’atterrir en France, mais moi j’ai toujours voulu aller aux Etats-Unis pour plusieurs raisons. Mon rêve était de devenir basketteur professionnel et jouer en NBA, chose plus facile à réaliser aux Etats unis qu’ailleurs. Ce style de vie sport-étude que je menais déjà au Sénégal, collait parfaitement avec celui de certaines universités américaines.
Vous êtes titulaire d’un Bachelor en informatique et d’une maîtrise en administration des Affaires dans le Nebraska, mais vous surfer sur un tout autre domaine, celui du mannequinat et de la mode ?
C’était une des décisions les plus dures que j’avais jamais prises dans ma vie. J’ai voulu travailler dans le domaine de l’informatique pour des raisons financières mais je savais toujours que le fitness était ma passion. Et ma plus grande préoccupation était comment j’allais tourner le dos à tout ce travail que j’ai accompli durant les 7 dernières années. Je savais que ça allait être dur à dire à ma famille parce que j’étais le premier et le seul dans la famille à avoir terminé ses études et obtenu ses diplômes universitaires. Donc ils ne seraient pas d’accord avec ma décision. Mais j’étais déterminé. Je savais qu’il fallait tout recommencer depuis le bas de l’échelle pour atteindre le sommet et c’était là pour moi un nouveau défi à relever ayant quitté le Nebraska pour Los Angeles une nouvelle ville où je n’avais ni travail ni connaissances et où j’avais l’intention de faire ma vie mais cette fois dans le domaine qui me tient à cœur : le fitness. Je me suis battu et tout a commencé à se mettre en place depuis pour enfin atteindre le niveau espéré mais pas le sommet car pour moi le ciel est ma seule limite. Quant au mannequinat c’est une chose qui ne m’a jamais effleuré l’esprit quand je vivais encore au Sénégal. Mais les États-Unis étant un pays présentant dés fois des opportunités inespérées, je ne pouvais m’empêcher de saisir cette occasion qui m’était offerte vu que beaucoup de gens du milieu de la mode me contactaient en me demandant si je n’envisageais pas de faire du mannequinat. Au début Je n’étais pas sûr d’avoir le profil d’un top model et aussi la crainte de décevoir ma famille m’avait poussé à rester aussi loin que possible de ces milieux de la mode. Mon centre d’intérêt était les études. Cependant, les offres et l’intérêt des professionnels de la mode à vouloir travailler avec moi étaient toujours présents. Alors je me suis dis « Pourquoi ne pas tenter ma chance. » Et c’est à partir de ce moment que j’ai signé avec ma 1ère agence « Exposure Inc » à Kansas City dans le Missouri en 2003 bien que je sois encore au Nebraska.
Grâce à votre physique de rêve, vous parvenez à être parmi les géants des podiums mondiaux, comment en êtes-vous arriver là ?
Si j’y suis arrivé c’est grâce à deux mots : travail et détermination. Je vais vous expliquer comment. Un jour pendant que je parlais de mon rêve de jouer en NBA, quelqu’un ma dit que j’étais trop maigre et que je n’aurais jamais une chance de jouer au basket aux Etats-Unis. Et bien que cette remarque m’aie fait mal, vu mon gabarit (vraiment maigre) je me rendis compte que cette personne avait raison. Depuis lors j’ai mis au point un programme d’entrainement physique plus intense pour me garder préparé face à n’importe quelle situation qui exigerait des capacités physiques pour atteindre mon objectif. Aujourd’hui, quand je montre aux gens des photos de moi d’auparavant la seule expression qu’ils ont c’est « wow c’est incroyable »’ et je leur réponds toujours par « c’est pourtant moi ». Aujourd’hui, mon physique m’aide dans chaque aspect de ma vie et quand je regarde derrière moi il y a 6 ans, je me sens fier de mes accomplissements. Mais je reste conscient que je dois toujours donner le meilleur de moi-même et travailler dure pour continuer ma marche vers le sommet et inspirer tous ceux qui s’identifient à moi.
Le sport occupe une place très importante dans votre vie, expliquez nous pourquoi ?
Le fitness a toujours été ma passion. Le fait de faire du fitness n’est pas un hasard, c’est plus qu’un plaisir, c’est une vraie passion. Et là, je m’épanouie beaucoup d’être à mon propre compte. Il faudrait noter qu’on excelle que dans le travail qui nous passionne. C’est pourquoi je me suis dit que je vais travailler dur pour m’améliorer et me perfectionner dans ce domaine. De ce fait, après avoir étudié et obtenu mon diplôme pour devenir un fitness trainer, mon but était toujours d’aider les gens avec qui je travaillais et pour cela je me suis toujours concentré sur mon but et celui que ces personnes s’étaient fixées, pour mieux les servir. Au début ma famille était déçue à cause de cette démarche que j’avais entreprise mais j’ai persisté en me disant que je ferais tout mon possible pour réussir dans ce domaine du fitness que j’ai moi-même choisi. Et ceci quelque soit le prix à payer en efforts et sueurs.
Le fait de parler plusieurs langues vous a-t-il facilité les contacts dans votre milieu professionnel ?
Venu d’un pays francophone, mon séjour aux États-Unis a fait de moi une personne bilingue, mais ce qui m’a aidé le plus c’est le fait d’être quelqu’un de respectueux et social. J’ai été chanceux d’avoir beaucoup d’amis parmi les gens que j’ai rencontré en faisant du mannequinat et c’est ma façon d’être que je dirais qui m’a permis d’avoir tout ce beau monde derrière la scène et qui m’aide beaucoup. Je confirme vraiment ce dicton sénégalais qui dit que « Si vous êtes entouré de bonnes personnes alors vous ne manquez de rien ». J’ai toujours laissé une bonne impression de moi et nouer beaucoup d’amitiés dans tous les endroits par où je suis passé et eu une attitude positive quelque soit les obstacles qui s’érigent dans ma vie. D’ailleurs la plupart des gens me demandent si je ne me fâche jamais ? Cela me fait toujours rire parce qu’il m’arrive parfois de me fâcher. C’est juste que je ne sens pas le besoin de le montrer car à chaque fois que ca m’arrive je regarde dans le miroir et me dis que c’est juste un de ces jours et que tout finira par passer donc et il n’y a pas vraiment pas d’intérêt à manifester ma colère.
Vous avez créé une marque de vêtement « ModuVated », comment vous est venue l’idée de vouloir habiller les autres par vos propres créations ?
Ma ligne de vêtements représente juste une partie du concept « ModuVated ». C’est seulement 1 élément parmi les 5 éléments sur lesquelles je me concentre actuellement. Ayant travaillé comme top model pendant 7 ans, j’ai connu beaucoup de personnes dans l’industrie de la mode. Alors quand j’ai inventé le concept « ModuVated », je suis allé voir Sterling Williams un grand designer des plateaux de défilé de mode à Los Angeles avec qui j’avais déjà travaillé. Ainsi, nous nous sommes associés pour la ligne de vêtements et il a fait la conception des logos. « ModuVated » est plus qu’un équipement de gymnastique, et plus qu’une tenue de ville, c’est vraiment un style de vie, un changement positif de la vie dans une direction plus saine. Mes clients et moi partageons ce concept et améliorons notre mode de vie en se soutenant les uns et les autres tout en invitant toutes les communautés à rejoindre ce mode de vie pour un progrès positif individuel et collectif. Chaque jour nous nous motivons mutuellement et rappelons que ca représente un choix de progrès et de réussite dans la vie que de porter la marque « ModuVated ». D’ailleurs le Slogan ModuVated vient de l’anglais « Motivated »qui veut dire en langue française : motivé(e).
Vous dites souvent : « It’s not about Where you’re From, but Who you choose to Become. » ce qui veut dire « Peut importe d’où vous venez, ce qui est important, c’est qui vous choisissez de devenir», c’est votre philosophie de vie ou votre phrase fétiche pour gagner vos challenges ?
Je dirais que c’est ma philosophie ! Après avoir vécu si longtemps dans le pays le plus cosmopolite du monde, j’entendais tout le temps mes amis Africains, afro-américains et d’autres d’immigrants se plaindre. Certains pensaient que leurs chances étaient limitées aux Etats-Unis à cause de la discrimination raciale qui subsiste dans les milieux de travail et de la manière dont ils sont traités par les blancs. Cela n’a jamais était mon cas et je soutiens que même si c’était vrai, je n’aurais jamais permis ni à ce mouvement ni à personne de m’empêcher d’atteindre mon but et d’arriver à mes fins. Je pense que chaque personne devrait utiliser tout obstacle de la vie comme une forme de « motivation » pour atteindre son objectif. Le cas d’Obama devrait servir d’exemple car il est parti de rien et s’est battu pour devenir aujourd’hui le premier président noir des États-Unis. Par contre ma citation « It’s not about Where you’re From, but Who you choose to Become » existait des années avant même qu’Obama n’ait été élu président. Aux Etats-Unis tout est possible quelque soit la couleur, le niveau d’études, l’âge ou le genre. L’essentiel c’est de persévérer et de tirer profit des occasions qui se présentent à vous. Je pense que les gens devraient voir les choses comme suit : viser plus et toujours plus haut, vers le ciel.
Qui est vraiment Modu Sèye et pour vous c’est quoi « l’American Dream » ?
Modu est un garçon qui vient de Grand Dakar qui est l’un des quartiers les plus difficiles de Dakar pour ne pas dire du Sénégal. A ma naissance on m’a donné le nom de mon père (MODU SEYE) qui est décédé juste quelques heures avant et j’ai grandi dans un quartier ou la drogue, l’alcool, le banditisme et le crime avaient déferlé la chronique au Sénégal avant que je ne parte pour les aux Etats-Unis. Aujourd’hui, je suis « top model », « moniteur professionnel de fitness », « entrepreneur » et « père » d’un garçon de 9 ans. Et si tout ceci est possible, c’est parce que dans ma vie, je ne me suis jamais limité à une seule chose car voulant accroître mes chances et élargir mon champ d’action. D’ailleurs, pour cela, je me suis investi et consacré sur mes objectifs tout en évitant de me concentrer sur ce que j’ai accompli, mais plutôt sur ce que je n’ai pas accompli dans la vie car je pense qu’il y a toujours un moyen de s’améliorer. Quant au rêve Américain pour moi c’est le fait de se battre avec détermination pour réaliser son propre rêve dans un pays qui présente une multitude d’opportunités. Car sans détermination et persévérance quelque soit l’endroit ou vous êtes, aux Etats-Unis ou ailleurs vos rêves vous passeront entre les doigts.
Quel est le message que vous lancez aux jeunes par rapport à votre expérience unique ?
Ils doivent s’armer de ces quatre mots : Rêve, Passion, risque et Persévérance.
- Il faut « rêver » et voir les choses en grand. Dans la vie, quand vous semez une graine et que vous vous en occupez avec attention, il y a de forte chance qu’elle devienne une plante. Juste pour dire que souvent les petites choses inespérées peuvent devenir grandes et nous mener loin dans le futur. Alors si on ne tente pas notre chance quand elles se présentent, on ne saura jamais de quoi elles seront faites demain.
- Toujours vivre sa « passion ». Si vous aimez votre travail, vous ne ménagerez aucun effort pour le faire et vous n’échouerez jamais au final.
- Avoir le goût du « risque ». Qui ne risque n’a rien dit on souvent et c’est en prenant certains risques qu’on gagne en expérience dans la vie. Donc il ne faut jamais avoir peur de prendre certains risques quand cela consiste à réaliser quelque chose qui vous tient à cœur.
- Toujours « persévérer ». On ne peut réussir qu’en croyant en soi. Les vraies réussites ne sont jamais faciles donc il faut toujours croire en sa bonne étoile et mettre les bouchées doubles pour atteindre son objectif.
Vous avez effectué un voyage au Sénégal, votre pays d’origine cette année, en juin 2010, qu’avez-vous apporté aux jeunes que vous avez eu à rencontrer là-bas ?
Ce voyage rime avec un seul mot : FANTASTIQUE ! J’avais l’habitude d’aller au Sénégal tous les 4 ans, mais ce voyage le mois de juin dernier, fut juste spécial. J’ai été très bien accueilli. Vraiment il n’y a rien de pareil que de revenir au pays natal et partager ses cadeaux entre frères et sœurs et amis. Durant mon séjour, j’ai partagé avec eux l’expérience que je vis en ce moment aux Etats-Unis et à Cabo juste pour qu’ils prennent exemple et qu’ils sachent qu’eux aussi peuvent faire pareil. Dans la vie j’ai appris que la meilleure façon d’inspirer les gens c’est de se joindre à eux et de partager avec eux son expérience dans la pratique. Durant tout ce séjour, nous nous sommes entrainés et avons travaillé en groupe. J’ai rencontré beaucoup de gens qui évoluent dans le milieu du fitness, fait des séances de fitness à la plage, visité des orphelinats et avons fini en fondant l’association « Moduvated Africa » pour aider les orphelins et les enfants démunis. Lors des échanges, j’ai dis aux gens que je n’essayais pas d’inspirer quelqu’un en faisant tout ce que je fais mais que je vis juste ma vie de la façon dont elle devrait être. Le message que je transmets à travers mes actions c’est qu’en restant eux-mêmes ils cerneront mieux leur objectif, pourront s’améliorer et réaliser leur rêve pour enfin servir de modèle et inspirer d’autres. Il suffit juste d’y croire et de croire en eux.
Est-ce le rêve américain qui est venu vers vous ou le contraire ?
Je dirais que c’est 50/50. Je pense que c’est agréable de voir se présenter une occasion qui peut avoir un certain impact dans la réalisation de nos rêves. Dans ces moments tout en nous préparant nous sommes excités de voir ce jour arriver et c’est comme ca que je l’ai vécu. Ceci dit aux Etats-Unis les gens pensent qu’on a 99% de chance de réussir mais faudrait pas qu’ils oublient qu’on a aussi 99% de chance d’échouer. Ayant eu la chance de vivre dans l’un des pays les plus puissants économiquement au monde, le reste c’était à moi de s’en occuper en prenant de bonnes décisions et en faisant des sacrifices comme je l’ai fait jusqu’ici.
L’année 2010 a été l’année de l’Afrique, avec la commémoration des cinquante ans d’indépendance, puis la coupe du monde qui s’était organisée en terre africaine, c’est quoi pour vous la renaissance africaine ?
Je crois vraiment que l’Afrique a un avenir brillant. La coupe du monde, Akon et Obama juste pour nommer quelques références. Il y a de quoi être fier. Je ne sais qui d’autre mais moi-même en tant qu’africain vivant entre les Etats Unis et au Mexique, à chaque fois que je dis aux gens que je rencontre que je suis Africain, ils ont une réaction courtoise et agréable. Je l’ai même utilisé à mon avantage. Et je crois que c’est seulement le début parce que la vraie image de l’Afrique continue à prendre de l’ampleur et finira par attirer plus d’un qui tomberont amoureux du continent et voudront mieux le connaître. Aujourd’hui nous vivons dans un monde où au rythme où vont les choses, certains oublient leur appartenance ou ne font pas attention aux richesses traditionnelles qu’ils laissent derrière eux et c’est parfois dangereux parce qu’on fini par perdre ses repères. C’est ce qui fait que maintenant on assiste à un retour aux sources massives des populations qui s’imprègnent de plus en plus de leur culture et tradition dans leur ensemble et même dans le domaine alimentaire où le phénomène se fait sentir par l’utilisation et la consommation des produits bio. Et l’Afrique offre tout cela. Pour moi la renaissance africaine comme le mot le décrit, c’est le nouveau visage de l’Afrique. On a surmonté le chalenge de pouvoir accomplir des choses qui jusque là nous étaient taxées d’impossible dans le passé et ceci n’est que le début vu que les potentialités des Africains ne cessent de faire surface et de convaincre le monde de la force et des capacités du peuple Africain. Une nouvelle ère s’ouvre sous les cieux de l’Afrique et moi je ne serais pas en reste.
Websites
www.moduseye.com / www.moduvated.com
http://www.facebook.com/moduseye