Exposition « VAUDOU » à la Fondation Cartier
Diane Cazelles : crédits photo@Yuji Ono pour la Fondation Cartier.
L’étrange nous parle, nous envahit et nous subjugue…
Esprits ou génies surnaturels, tantôt bons, tantôt mauvais ; ils sont les liens entre le monde visible et invisible. C’est un monde à part, celui du vaudou qui déploie ses mystères et ses formes à travers une exposition surprenante à la Fondation Cartier… Dans cet univers parallèle où le sensible fait loi, entendez la voix universelle de l’homme vers le divin…
Culte religieux ancien et tradition philosophique originaire de la « côte des esclaves » d’Afrique occidentale, le vaudou est encore pratiqué du Togo à l’Ouest du Nigéria. Avec la traite des esclaves, aux XVII et XVIIIème siècle, ce culte s’est propagé jusqu’aux Caraïbes et en Amérique du Sud et du Nord où il s’est mêlé à d’autres traditions religieuses.
La cosmogonie vaudou est structurée autour d’esprits et de figures d’essence divine. Pour communiquer entre le monde visible des vivants et l’invisible celui des esprits, les adeptes pratiquent sacrifices, prières, possessions et divinisation.
La statuaire vaudou s’exprime à travers les statues bocio reliées chacune aux énergies des divinités. Intermédiaires entre le monde visible et le monde spirituel, elles sont composées d’assemblage d’éléments hétéroclites, os, corde, céramique, ferraille, cheveux ou coquillages… et recouverte d’une épaisse couche de matière, argile, huile de palme, matériaux sacrificiels… Chaque élément est un secret et un symbole. De la corde pour nouer signifiant la colère et l’emprisonnement, des cauris pour l’attente et le désir, leurs sens sont multiples et seuls les initiés en connaissent vraiment le contenu. L’accumulation énigmatique des différents éléments qui la composent réunissent les pensées humaines et les sentiments les plus profonds : jalousie, peur, douleur, amour…Ces statues mystérieuses dégagent un sentiment d’appréhension. Objet alchimique, les statuettes sont constituées de remèdes et ou de matériaux investis de pouvoirs particuliers. Elles sont utilisées dans le but de nuire ou de protéger. Leur force est à la fois visuelle et métaphysique. Déposées dans les maisons, ou en plein air dans les villages, les champs ou aux croisements des routes, elles ont des fonctions variées- protection contre la sorcellerie, fertilité…
Jacques Kerchache; un esthète et une explorateur…
Explorateur et expert autodidacte, Jacques Kerchache (1945, 2001) est réputé pour son exigence et sa connaissance des arts premiers. Grand voyageur, ses expéditions le conduisent en Amérique Centrale et en Amérique du Sud. Il effectue sur le continent africain de nombreuses recherches, au Bénin en particulier où il va trouver des pièces rares ainsi que les artistes qui les ont façonnés. Reconnaissant la qualité plastique et la puissance esthétique de la statuaire vaudou, il va constituer l’une des plus importante collections. Conseiller artistique et commissaire d’exposition, Jacques Kerchache a fortement encouragé les musées français à dépasser une approche essentiellement ethnographique des arts premiers et à les considérer pour leur valeur esthétique universelle. C’est à son initiative que furent créer à Paris en 2000 le Pavillon des Sessions du Louvre dédié aux arts d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques, et en 2006 le Musée du Quai Branly consacré aux arts premiers .
Vaudou à la Fondation Cartier
La Fondation Cartier pour l’art contemporain avait présenté il y a plus d’un an, un ensemble exceptionnel d’objets vaudou africains issus de la collection Anne et Jacques Kerchache, à travers une scénographie conçue par le grand designer italien Enzo Mari. Avec près d’une centaine de bocio dont certains appartiennent à d’autres collections privées, Vaudou est la première exposition consacrée exclusivement à ces sculptures traditionnelles d’Afrique occidentale. Réalisée en étroite collaboration avec Anne Kerchache, et après la disparition du collectionneur, cette exposition réunit également les notes, lettres et photographies de ses expéditions, de ses recherches sur le vaudou et ses projets d’exposition. Les films d’archives de ses voyages permettent d’explorer le vaudou dans son contexte et de porter un nouveau regard sur un art qui reflète les préoccupations universelles de l’humanité.