Fondatrice du label » les frères gourmets » Titulaire d’un doctorat en pharmacie de l’université René Descartes – Paris V et d’un master en Business Management et Entrepreneuriat Social de l’université Paris Dauphine, Ghizlaine Maghnouj El Manjra est la fondatrice des «Frères Gourmets» depuis mars 2003. Elle est également fondatrice de «MO» – Moroccan Origin, premier concept store ethique au Maroc. En novembre 2014, Mme Maghnouj El Manjra a reçu 2 nominations à l’innovation SIAL Abu Dhabi qui démontre ainsi que entrepreneuriat social est innovant et qu’il est au service de l’impact social.
Ghizlaine s’est engagée depuis peu dans la création du collectif «NESS» en cours qui est un espace de networking pour les Entrepreneurs Sociaux et Solidaires. UFFP a eu le plaisir de la rencontrer, durant cette 8é edition de la WTE, un vrai coup de coeur, car elle représente le crédo de notre plateforme éthique UFFP qui depuis sept ans met en avant le terroir, les artisanes durables et le patrimoine matériel et immatériel de la région.
Entretien de Ghizlaine El Manjra avec UFFP
Parlez nous de votre aventure les frères gourmets ? le terroir et le durable ? quand a germé l ‘idée et pourquoi?
Après l’obtention d’un Doctorat de Pharmacie (Université Paris V René Descartes) et une destinée toute tracée dans l’industrie pharmaceutique, en 2002, je fais le pari fou de quitter une carrière florissante pour me consacrer à ma passion : le terroir, la cuisine, le patrimoine immatériel de mon pays, et sa force créatrice dans un contexte économique marquée par l’arrivée massive de franchises internationales (Hédiard, Le nôtre…). L’idée était également de donner du sens à ce que l’on entreprend en étant droit dans ses valeurs, l’éthique dans le commerce, la valorisation des artisans indépendants et surtout combler ce désir irrépressible de créer une marque 100% marocaine « Les Frères Gourmets » calquée sur des standards internationaux, concept store éthique de restauration et de distribution de produits de Terroir.
Le concept, novateur en 2003, a connu immédiatement un grand succès avec une croissance rapide. Après une phase d’expansion géographique ayant impliqué de gros investissements financiers quelques années plus tard (4 points de vente), la structure organisationnelle imposée par le rythme de croissance n’était plus en accord avec mes valeurs. Fallait-il continuer, fermer, ou se renouveler ?
Prendre des décisions difficiles faisant partie de la vie de l’entrepreneur, seul le 1er point de vente historique est maintenu afin de se recentrer sur son coeur de métier, l’entreprenariat étant fortement ancrée dans des valeurs sociales. C’est ainsi, et en accord avec ces mêmes valeurs, l’aventure MO ‘Moroccan Origin’ démarre en 2010 et continue à ce jour avec succès.
Parlez nous de « Moroccan Origin »
MO ‘Moroccan Origin’ est une marque ‘Made In Morocco’ dédiée à la valorisation des produits de terroir et patrimoine immatériel et à l’art solidaire, fédérant aujourd’hui plusieurs dizaines de coopératives et artisans indépendants, distribuée en exclusivité par les Frères Gourmets. Prochaine étape, le changement d’échelle, et à terme, la franchise MO à l’international, afin de prouver que l’entreprenariat social est non seulement viable économiquement d’une part, que l’utilité publique et le profit ne sont pas incompatibles d’autre part. Mais que c’est surtout et avant tout l’alternative nécessaire aux consommateurs en quête de sens.
Quant au développement durable , celui ci est une forme de développement économique ayant pour objectif principal de concilier le progrès économique et social avec la préservation de l’environnement, ce dernier étant considéré comme un patrimoine devant être transmis aux générations futures. Il fait donc partie intégrante de la vision du projet, tout autant que son inscription dans notre vision et ambition de faire vivre l’économie circulaire.
Vous faites beaucoup travailler les femmes, la responsabilité sociale et solidaire au Maroc quels sont les défis et les acquis ?
Au Maroc, le développement de l’économie sociale et solidaire (ESS)s’appuie principalement sur un socle traditionnel ancien et la réalité de cette « 3ème économie » qui s’impose à l’échelle internationale.La culture de solidarité et de travail collectif ,principe fondateur de l’ESS ,fait partie de la tradition et des pratiques de la société marocaine, en particulier en milieu rural, mais ces formes d’entraide ont tendance à se désagréger sous l’effet de divers facteurs démographiques, économiques, sociaux et politiques.
Depuis les années 90, l’ESS occupe une place considérable dans les programmes de développement économique et social. Ces derniers ont été renforcés, en 2005, par l’avènement de l’Initiative Nationale de Développement Humain, fondée sur une approche participative qui met les acteurs de l’ESS, et la femme en particulier au centre du processus de développement humain. L’ESS au Maroc, surtout en ce qui concerne sa composante coopérative, s’intéresse aux petits producteurs qui fonctionnent en grande partie sur un principe d’auto emploi et constituent l’essentiel du tissu économique national. Plusieurs stratégies sectorielles mises en place par différents départements ministériels (Plan Maroc Vert, Vision 2015 de l’artisanat, Vision 2010 et Vision 2020 du tourisme, Plan Halieutis 2020…) contiennent également un volet dédié aux petits producteurs qui pourraient s’adapter à l’économie sociale et solidaire (agriculture solidaire [pilier 2 du Plan Maroc vert], tourisme de niche et tourisme rural, mono-artisans, pêche artisanale…).
Quels enjeux aujourd’hui ?
L’enjeu aujourd’hui consiste à dépasser la simple réponse formulée dans l’urgence aux conditions précaires de travail et à la paupérisation en structurant l’ESS de manière cohérente et articulée. Cela passe obligatoirement par la mise en place d’un cadre juridique et fiscal ( loi cadre en cours) permettant à l’ESS de se diversifier ( Coopératives, Associations mais aussi structures commerciales à utilité publique). Ce cadre ouvrira le champ des possibles à cette économie, lui permettant ainsi de se structurer et se pérenniser , et surtout de participer à la croissance économique de notre pays, en investissement bon nombre de secteurs, pas seulement celui de l’agriculture !
Votre présence à la 8e édition de WTE avec la thématique « Entreprendre en Conscience » à point nommé ?!
Je remercie profondément Mme la Présidente de Women’s Tribune, Mme Fathia Bennis qui a de par son parcours d’excellence inspiré des générations de femmes. Et je la félicite pour ce choix audacieux pour cette thématique d’‘Entreprendre avec conscience’. Pour certains que je qualifierai de ‘Croyances limitantes’ c’est toujours une utopie, mais pour d’autres, c’est plus q’une réalité, c ‘est une nécessité!
Une urgence face aux défis grandissants de notre société. Pour bon nombre d’entre nous, le passage à l’acte est fait !
La performance d’une entreprise ne peut plus être jugée seulement sur ces critères financiers, mais aussi et surtout sur ces critères extra financiers et en particulier sur son impact social et sociétal. Une symbolique également importante : Mme Bennis place la femme au coeur de ce sujet.
Qu ‘avez vous comme vision s’agissant de vos soeurs Tunisiennes ?
La femme Tunisienne est une femme d’action porteuse d’une vraie vision pour une Tunisie Prospère et sereine. En ce sens, nous partageons la même vision, pour nos pays respectifs, et sommes toutes animées par une ambition collective au service de l’impact et la cohésion sociale.
Merci Ghizlane El Manjra