Près de 80 millions. C’est le nombre de boîtes d’anxiolytiques consommées chaque année par les Français pour traiter les troubles anxieux. Trop de personnes y ont recours, a encore alerté l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) dans son récent rapport à propos des benzodiazépines – les molécules-phares des anxiolytiques (alprazolam, bromazépam, zolpidem…). Alors que le recours à ces traitements ne devrait pas excéder quelques semaines, les temps d’utilisation sont en moyenne cinq fois supérieurs et s’étalent parfois sur plusieurs années ! Pourtant, les risques sont connus : somnolence, troubles du comportement, nervosité et, surtout, dépendance avec les problèmes de sevrage associés (insomnies, céphalées, anxiété importante, douleurs, tensions…).
L’Agence de santé s’est aussi inquiétée de la forte consommation de ces médicaments chez les personnes âgées, et plus particulièrement les femmes : un tiers des femmes de plus de 65 ans sont sous benzodiazépine anxiolytique. Chez les personnes âgées qui suivent ces traitements, on note plus de risques de chute et de perte de mémoire, voire de démence. Avant d’en arriver là ou pour sortir de la dépendance aux anxiolytiques, la phytothérapie – la médecine par les plantes – a toute sa place pour accompagner efficacement et sans effets secondaires les personnes angoissées, explique le Dr Daniel Scimeca, médecin et président de la Fédération française des sociétés d’homéopathie.
Passiflore, aubépine et valériane, trio gagnant
« La passiflore est vraiment le Lexomil des plantes », explique le Dr Scimeca, qui prescrit régulièrement cette plante à ses patients anxieux ou angoissés. Découverte par les missionnaires chrétiens en Amérique du Sud, la passiflore (Passiflora incarnata) doit son surnom de « fleur de la Passion » à son coeur en forme de croix, entouré par douze pétales, selon la légende (dans les faits, le nombre de pétales semble assez aléatoire). Aujourd’hui, c’est la plante-phare des états nerveux et anxieux et elle est reconnue pour cet usage par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) sans effet secondaire notoire, même si, par prudence, comme pour de nombreuses plantes, elle est déconseillée aux moins de douze ans et aux femmes enceintes. En cas de conduite automobile, il faut également être vigilant, car elle a un effet sédatif léger. On peut trouver cette plante sous différentes formes, mais le Dr Scimeca la conseille plutôt sous forme de nébulisat (gélules) en pharmacie à raison de 3 gélules par jour (une matin, midi et soir). La passiflore peut être prise au long cours (par exemple, 20 jours par mois), mais, « comme toutes les plantes, rappelle le médecin, des effets secondaires sont possibles, au niveau du foie notamment, et il convient de faire des pauses une quinzaine de jours et d’être suivi médicalement ». On l’utilise aussi sous la forme d’un complexe homéopathique bien pratique, Passiflora composé, à raison de cinq granules 3 à 4 fois par jour.
Pour les personnes sous anxiolytiques, la passiflore est une aide appréciable pour réduire puis arrêter la consommation de benzodiazépines. Dans ce cas précis, elle est souvent accompagnée par la ballote fétide (Ballota nigra), aux propriétés assez proches (les quantités proposées sont alors généralement de 2 gélules par jour). Bien souvent, le sevrage prendra de un à plusieurs mois et se fera toujours sous suivi médical. Bien accompagnées, 100 % des personnes peuvent réussir ce sevrage ! L’aubépine (Crataegus monogyna) et la valériane (Valeriana officinalis) sont également souvent proposées en association avec la passiflore. L’aubépine est plus spécifique des palpitations de stress et des anxiétés nocturnes avec insomnie ; la valériane complète son action sur les troubles du sommeil et s’avère aussi utile pour l’anxiété des fumeurs ou lors de l’arrêt du tabac. L’aubépine peut très rarement avoir un effet paradoxal chez certaines personnes et provoquer au contraire des palpitations et des insomnies. Enfin, certaines plantes plus spécifiques pourront compléter l’action de ce trio gagnant. Par exemple, pour les femmes au syndrome prémenstruel marqué ou en période de ménopause, le houblon (Humulus lupulus) jouera un rôle de régulateur hormonal efficace pour atténuer les angoisses. À cet effet, on le propose généralement durant les dix premiers jours du cycle de la femme à raison de 2 gélules (nébulisats en pharmacie) matin et soir.
Les enfants aussi
Pour les enfants, il est toujours plus délicat d’avoir recours aux médicaments, même lorsqu’il s’agit de plantes dont on sous-estime souvent la puissance. En cas d’anxiété se traduisant par des insomnies ou une sensibilité intestinale, les enfants pourront prendre sans danger du coquelicot (Papaver rhoeas) à raison d’une demi-gélule de nébulisat matin et soir diluée dans une compote, par exemple, voire en tisane le soir. Le jasmin jaune de Virginie (Gelsemium sempervirens) est une autre plante emblématique de tous les états de stress. Adaptée aux enfants, aux étudiants comme aux adultes, elle est bien connue des homéopathes qui la prescrivent pour toutes les formes d’anxiété, de stress ou de trac d’anticipation (Gelsemium 9 CH à raison de 3 granules une à quatre fois par jour généralement).
Plus globalement, une bonne hygiène de vie – alimentation saine, exercice physique, respect des besoins de sommeil et des rythmes, vie sociale, utilisation raisonnable des nouvelles technologies… – s’avère souvent salutaire en cas d’angoisse et d’anxiété (officiellement, on parle d' »états d’angoisse généralisée »). De même, le recours aux thérapies comportementales et cognitives (TCC) auprès d’un thérapeute confirmé permet de mieux comprendre ses émotions et comportements et de faire ainsi baisser la pression.