De notre envoyée spéciale à Dakar, Fériel Berraies Guigny
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Créatrice malienne, de père ivoirien, Awa Meité Van Til est une artiste engagée. Styliste autodidacte depuis une quinzaine d’années, nous l’avons rencontrée à Dakar alors qu’elle défilait pour la 10e édition de la Fashion Week. Awa n’était pas prédestinée à la mode, de formation sociologue mais elle va pourtant faire ce changement de voie pour devenir, cette sociologue de la mode incisive et esthétique comme nous l’aimons. D’emblée quand ses créations on défilé sur les podiums, nous avons été saisie par la beauté de son travail, mais également par le message qu’elle laissait transparaitre dans cette collection hommage qui appelait à la réconciliation entre le Mali Nord et le Sud. Pour nous elle est réellement et sans ambage, une UFFP artiste car elle a réussi à imposer et à sublimer le patrimoine de son pays. Et sa collection est réellement digne des catwalks occidentaux!
Quelle fierté et émotion pour nous que de l’avoir découverte et de réaliser que l’on mène le même combat !
Une première expérience dakaroise, mais qui laisse transparaitre l’immense talent d’une femme engagée pour une certaine éthique dans la création de son pays. Tout comme les filles du jasmin, la malienne Awa Meité porte en elle, l’espoir de meilleurs lendemains, le désir de faire bouger les choses dans son pays, la conviction que si il y a un développement durable à obtenir dans son pays et le Continent, il devra passer par la valorisation des petits métiers, des ressources locales mais également l’émancipation des femmes.
Récit d’une rencontre coup entre deux femmes d’Afrique du Nord et de la région Sahélienne :
La création pour vous une évidence? je suis issue d’une famille qui a toujours baigné dans l’Art et l’Artisanat, ma mère croit depuis toujours aux bénéfices de la transformation locale du coton. Valoriser les ressources et les matières locales pour une valeur ajoutée » c’est le combat de toute sa vie, ma mère ( qui est nulle autre que l’altermondialiste et ancienne Ministre malienne Aminata Traore) est l’amie de beaucoup d’artistes et de créateurs, dont feu Chris Seydou. Je pense sincèrement que le changement en Afrique ne peut venir que de l’Afrique elle-même !
La globalisation est meurtrière ? absolument car c’est une globalisation à double tranchant, pour les pays du Sud on est juste des consommateurs passifs des forces dominantes. C’est dans notre inconscient que tout se passe on nous impose des modèles et des images, et nous on ne fait que les consommer. Quelque part, on est en quête d’identité car quand on parle de nous, cela n’est pas toujours positif. D’ailleurs, on sublime et on s’y associe e à tout ce qui est pas nous mais qui nous fascine, donc on consomme pour pouvoir ressembler à cela. En achetant le produit de luxe qui vient du Nord on prend son identité mais on se rend compte ensuite que cela n’est pas notre réalité.
L’Afrique a besoin de puiser en ses ressources? oui car aujourd’hui, c’est la guerre des marchés qui fait rage, qu’est ce que l’Afrique peut proposer en terme de généralités, de produits et de marchés pour permettre aussi aux gens de travailler décemment ? comment les aider à réaliser leurs rêves pleinement ? cet environnement local, chez nous m’a permis de prendre conscience des vrais défis au-delà du superficiel et du bling bling !
Parlez nous de votre travail? c’est très coloré, c’est très différent et tout est fait à la main. C’est la valeur ajoutée de mon travail, j’associe les techniques traditionnelles aux techniques plus modernes. Préserver le savoir faire est crucial. Le cuir et le coton bio sont les matières de prédilection. La Collection qui a défilé se nomme Daoulaba II, car c’est une nouvelle étape dans ma collection. J’associe le cuir et le coton, le coton symbolise le Sud du Mali et le cuir c’est le Nord. C’est cette rencontre qui m’intéresse, surtout aujourd’hui dans cette situation que traverse mon pays. C’est la rencontre entre deux matières compatibles et qui font que notre pays reste un. Pour moi, c’est un symbole très fort. C’est un message de paix et de réconciliation avec nous-mêmes et de prise de conscience de notre propre réalité. Il faut mettre l’humain au centre de nos préoccupations!
Notre continent et la mode souffrent n’est ce pas ? il faut que la mode ait une conscience, c’est trop facile, trop d’efforts pour seulement du bling bling. Il faut qu’en amont, il y ait de la durabilité. Mais il faut aussi pouvoir vendre, notre défi c’est la production et la vente. Les Fashion weeks aident mais cela n’est pas suffisant.
Parlez nous de l’équipe de production ? j’ai une équipe de dix personnes à temps plein, et trente à temps partiel, je travaille avec des productrices de coton biologique. Je travaille avec les femmes d’un village situé à 30 kms de Bamako. Je travaille avec une centaine de femmes qui ne sont pas que des productrices de coton car on les a formées au tissage. On les a formées, on a installé des métiers à tisser. Et autour de ce concept j’ai créé un Festival qui s’appelle Daoulaba.
Vos points de vente ? j’exporte en Italie, aux États Unis, en France mais le marché africain m’intéresse énormément car les femmes africaines ont du gout et cela fait plaisir, quelque soient le circonstances. J’aimerai que mes sacs et mes accessoires se vendent comme les boubous chez nous !
J’aimerai pouvoir me lancer à l’international et commercialiser par la vente en ligne. C’est en projet.
Parlez nous de ce festival Daoulaba ? cela signifie estime de soi, ou le regard que l’on porte sur soi même. Ce Festival en est à sa sixième édition, autour du coton. Pendant ce Festival, on a des conférences débats, des défilés de m ode et des concerts. Moustafa Traore de la Guinée avait participé à ce Festival et était le lauréat de ce festival. Il a été invité à la Fashion Week de Dakar ensuite. En décembre, a lieu ce Festival, mais vue la situation on voit la possibilité de le faire ailleurs dans le Continent.
Quel est votre regard sur les mutations dans la région pour les femmes et les répercussions ? Personne n’aurait pensé que le Mali sombrerait, on ne peut dissocier ce qui arrive aujourd’hui en Mali de la cassure avec la Libye. C’est absolument lié, et ce qui s’est passé en Libye n’était pas muri, c’était avant tout une guerre pour le pétrole. La Charia a été installée et cela est un gâchis humain cautionné par le Nord. De quelle démocratie parlons nous? les urnes si elles sont dévoyées et qu’elles touchent les principes fondamentaux des droits de l’Homme de quelle démocratie parlons nous?
Quelle modèle démocratique alors? certainement pas un modèle démocratique calqué sur le modèle du Nord ! nous avons notre démocratie, oui elle est relative et puis il y a l’ethnoculturel qu’on ne voit pas, et puis on finit par se fourvoyer à la fin. Le modèle malien était le meilleur modèle en Afrique noire, les Ambassades et toutes les structures étrangères au Mali, savaient qu’il y avait un mécontentement incroyable. La situation était explosive, le mandat de Atété finissait dans deux mois, il fallait attendre mais la grogne sociale a fini par l’emporter. Au Mali, on ne voulait plus le parti Adema qui existe depuis prés de trente ans, mais il y avait les combats dans le Nord et les soldats maliens se faisaient charcuter, mais ils recevaient des ordres de Bamako qui leur disait qu’il ne fallait pas qu’ils réagissent.
Alors quel fut le détonateur? ce sont les films des militaires qui ont marché sur le palais, car elles ne voulaient plus voir leurs maris tomber. Elles ont marché sur le palais et elles disaient » on ne comprend pas, peut être que tu es de mèche avec les rebelles, pourquoi nos hommes ne se défendent pas » ? il n’y avait pas d’explications cohérentes, elles sont parties. Ceux qui ont fait le coup d’État sont venus mais pour d’autres revendications à la base ! le coup d’état était prévu jeudi, ils sont venus mercredi, comme la situation était « ‘facile » ils ont profité pour l’éjecter. Mais maintenant qu’ils sont au pouvoir, ils ne savent pas quoi en faire ! on se retrouve dans une situation compliquée.
La débandade c’est suite à la Libye ?oui on nous avait prévenus que les Touaregs étaient en train de revenir et qu’ils étaient armés jusqu’au dents ! on nous a demandés s’il fallait les désarmer comme pour le Niger, mais on a dit non car c’était aussi leur pays. Aujourd’hui, il faut rester confiants et sereins. Il faut susciter le débat sur nos pays, rester vigilants, éveiller les consciences, se battre pour de meilleurs lendemains. Le changement viendra mais les femmes comme toujours seront aussi au premier plan.
Alors Daoulaba et United Fashion for Peace peuvent faire un front commun ? Absolument, nous représentons les deux Afrique, il faut que l’on soit un Continent solidaire, soudé, que l’on ne fasse qu’un. Il faut casser les barrières et s’enrichir les uns et des autres. La coopération Sud Sud j’y crois à fond, on est un marché pour les uns et les autres!
Que dire aux femmes et aux lectrices de UFFP? j’ai envie de dire aux femmes, que c’est possible, qu’il faut y croire, que nous pouvons réaliser nos rêves. Nous sommes des mères et nous portons l’Afrique. Aujourd’hui, j’ai une nouvelle lecture du féminisme, je pense que les hommes et les femmes sont complémentaires, au Mali une femme ne parle pas en public, mais en privé l’homme demande conseil à la femme. La femme est puissante mais elle est humilité en Afrique. Hommes et femmes sont complémentaires pour moi !
Awa Meite van Til
Coordinatrice Routes du Sud
Directrice du Festival Daoulaba
www.daoulaba.com
absolutely fabulous collection!!!! well done AWA!! and her amazing team
j’adore votre travail , vous donné beaucoup de courage . j’éspère que votre créativité m’aidera a poursuivre mes études de mode
J’aime beaucoup le gilet et le sac en haut de page. Pas une question sur le soutien de sa maman au vaillant Capitaine Sanogo ?