Par Diane Cazelles
Des couleurs, des bracelets aux poignées ou aux chevilles, à porter…
Plastiques bigarrés, ils habillent vos bras, s’assortissent à tout.
Et pour finir, racontent une belle histoire…
Ville du Djenné
Sur le mur de la remise, des bracelets, de toutes les couleurs, retenus par un lien sont accrochés ou jonchent le sol prés de grands sacs déjà remplis. Sadio nous reçoit chez elle, prés de sa maison, dans l’étonnante et magnifique ville de Djenné au Mali. A la tête d’une nombreuse famille et mère de 15 enfants, Fatimata Kontao dite Sadio est une maîtresse femme. Souriante aux éclats, sa bonne humeur est réputée et son courage aussi. Elle est à l’origine d’un regroupement de femmes pour la fabrication de bracelets, et depuis cinq ans à la tête d’une association de 70 femmes travaillant à la production de ces bijoux en plastique recyclé. Remarqués par Valérie Schlumberger, fondatrice de la CSAO (Compagnie du Sénégal et de l’Afrique de l’Ouest), les bracelets « Jokko » sont distribués à Paris dans sa boutique et pour la bonne cause… Ils sont vendus au bénéfice des enfants des rues de Dakar et de l’Empire, centre d’accueil soutenu par l’Association du Sénégal et de l’Afrique de l’Ouest, l’ASAO. « 6 bracelets pour la prise en charge d’un enfant une journée » Sadio mesure l’ampleur de ce challenge à la fois pour les femmes de Djenné et pour ces enfants en difficultés.
Fabrication
C’est une histoire de femme africaine. Sadio a toujours travaillé et a dû trouver de nouvelles solutions pour subvenir aux besoins de toute sa famille. Elle vend sur le marché les poissons pêchés par son mari bozo et les légumes qu’elle cultive. Puis un jour…« Ma grande sœur Hadia Maïssa Kossinta qui vivait à Mopti, me montra comment réaliser des petits bracelets à partir des morceaux de plastique récupérés. J’ai commencé à en produire à la maison et à les vendre sur les marchés, de Djenné à Bamako… » nous raconte-elle. Vendus jusqu’à Dakar, au marché malien prés de la gare, Valérie Schlumberger en achète en 2003 pour la première fois. Créatrice de la C.S.A.O, celle ci ne cesse de créer des liens entre l’Afrique et l’Europe. Mettant en place un circuit de distribution dans sa boutique à Paris, elle met en avant l’artisanat, l’art et l’ingéniosité de toute l’Afrique de l’Ouest. Soucieuse des problèmes environnementaux, Valérie est sensible au thème de la récupération et voit dans la production de Djenné une belle idée et une vraie solution aux déchets plastiques.
Le contact est pris, et de cette rencontre va naître une collaboration et une association qui depuis trois ans ne cessent d’évoluer. En nombre car aujourd’hui plus de 80 femmes travaillent avec Sadio et en créativité car le projet met au point de nouveaux modèles.
« Aidé par Monsieur Tiecoura Bocoum, qui nous épaule dans nos démarches administratives et nos contacts, l’association est créée le 21 Novembre 2005 et régit le travail et les gains. Il y a aujourd’hui 80 femmes qui sont pour la plupart « bozottes ». Vivant toutes à Djenné, elles ont entre quinze et quarante ans. Les bracelets leur permettent de payer l’alimentation et l’école de leurs enfants. Par mois, elles produisent 15 à 20 000 bracelets, ce qui fait 250 à 300 bracelets par personne »: nous raconte Sadio les mains sur les hanches, arborant son plus beau sourire.
Tôt le matin, plusieurs femmes se retrouvent non loin de la maison de Sadio. Les petits fourneaux de terre sont allumés, les charbons attisés, les nattes déroulées. Réunies dans un petit atelier sous un toit de paille, il leur faut peu de temps pour commencer la fabrication. La matière première se compose de déchets de chaussures plastiques fabriquées à Bamako. « Il nous arrive aujourd’hui de nous procurer sur les marchés les chaussures neuves car nous avons besoin d’une bonne qualité de plastique et d’une plus grande quantité ».
Munies de masques pour se protéger, certaines fondent sur les réchauds le plastique qu’elles étirent en filament. Ensuite les fils de couleurs sont enroulés sur une tige très fine, légèrement réchauffée et lissée. Plus tard la baguette est retirée et le plastique est collé par la chaleur pour former le bracelet. Bague, collier, la collection de bijoux s’enrichit de nouveaux modèles.
Bracelets attractifs, colorés, ils habillent les poignées et les chevilles. Hommes et femmes, petits ou grands, il n’y a pas d’age pour les porter.
Au delà de la coquetterie, ils participent à une bonne cause…Pour les enfants perdus, ceux qui sont envoyés vers la grande ville africaine, maltraités dans les « daras » ou écoles coraniques. Abandonnés ou fugueurs, ils mendient, mangent dans les poubelles, dorment dans la rue et subissent tous les outrages, de la drogue aux violences sexuelles. Valérie Schlumberger a crée « L’ASAO », association loi 1901 reconnue d’utilité publique, qui a pour but l’accompagnement, la réalisation et la coordination des projets de développement Nord-Sud. Pour ce faire, celle ci a ouvert le 17 Mai 2002 « l’Empire des enfants » à Dakar, un centre d’accueil et de formation pour ces enfants sans domicile, laissés pour compte. Elle travaille en relais avec l’O.I.M, Organisation Internationalle de Migration qui finance le retour dans les familles. L’Empire est un espace convivial où les enfants réapprennent à vivre au-delà de la survie. De 150 à 200 sont déjà passés par ce centre. Actuellement, on en compte 60. C’est aussi un outil au service des associations de lutte en faveur des enfants en difficultés.
A Djenné, une journée de travail d’une femme permet de prendre en charge 10 enfants pour une journée. Des bracelets produits et achetés en Afrique, vendus en Europe et aux États-Unis, et dont l’intégralité revient aux enfants d’Afrique.
Où trouver les bracelets Jokko ?
A la Compagnie du Sénégal et de l’Afrique de l’Ouest, C.S.A.O, boutique et galerie 3A, 9 rue Elzevir, 75003 Paris, Tél. : 00 33 1 42 77 66 42/00 33 1 42 71 33 17, galerie3a@yahoo.fr, csao@csao.fr, Le site : www.csao.fr
Concernant l’ASAO, www.asao.objectis.net, contact Valérie Schlumberger asaoparis@wanadoo.fr, pour joindre Sadio, présidente de l’association des villageoises de Djenné, Tiecoura Bocoum, Tél. : 00 223 633 72 10/00 223 539 20 04.
Chez Nature et Découvertes, tél. : 01.47.03.47.43, Carrousel du Louvre à Paris, www.natureetdecouvertes.com