Par Elyssa Souissi
La fondation Chirac et l’Orchestre de l’Alliance organisent le mercredi 9 mai 2012 un concert de mécénat en faveur de son programme pour l’accès à la santé et d’un projet en Côté d’Ivoire de son partenaire de terrain, l’Organisation Panafricaine de Lutte pour la Santé (OPALS) présidée par le Professeur Marc Gentilini. UFFP fidèle à la Fondation Chirac a interviewé le Chef d’Orchestre de l’Alliance, Pejman Memarzadeh pour vous.
Entretien:
Vous êtes natif de Téhéran un pays dont la culture est magnifique, parlez nous de vos multiples rencontres musicales entre Orient et Occident? ce qui vous a le plus marqué?
Je suis en effet né à Téhéran et je suis arrivé en France à l’âge de 6 ans, ma culture est donc double, bien que quasiment toute mon éducation se soit faite en France. Cependant je garde de très jolis souvenirs de ces premières années à Téhéran où j’allais déjà à des cours d’éveil musical… Je suis très attaché à la musique traditionnelle iranienne, une musique savante qui interprétée par de grands maitres comme Hossein Alizadeh, Shahram Nazeri ou mon ami Ali Akbar Moradi prends une dimension quasi mystique. A la maison nous en écoutons souvent et je vois avec joie ma petite fille de 6 ans danser merveilleusement sur cette musique !
J’ai été très heureux dans l’esprit du croisement des cultures d’avoir eu la chance de faire jouer notre orchestre en 2002 en Iran car pour la première fois depuis la révolution un orchestre occidental a pu se produire à Téhéran. Nous étions accompagnés dans ce voyage par de nombreux visiteurs français qui ont découvert l’Iran à la faveur de ce voyage culturel et ainsi le public, iranien et français, pouvait côte à côte assister à ces représentations exceptionnelles. C’était un bel exemple d’une rencontre riche et féconde entre nos deux cultures.
Je suis en effet très attaché à créer des passerelles entre l’Orient et l’Occident car c’est par les échanges et notamment celui de la culture que nous pouvons aujourd’hui avancer dans le dialogue entre les civilisations et construire la plus respectueuse des politiques. Le discours des notes, les textes que nos grands compositeurs nous ont légués nous permettent de traverser les frontières avec comme seul message la quête d’absolu. De même les musiques traditionnelles orientales apportent à notre public occidental l’ouverture nécessaire à une nouvelle esthétique. L’une et l’autre partageant une même quête d’idéal.
Vous dirigez l’Orchestre de l’Alliance depuis combien d’années? parlez nous des temps forts de cette expérience? vous êtes un artiste très engagé et vous avez par ailleurs accepté de diriger l’Orchestre pour la paix qui réunit artistes du monde arabo musulman et israéliens
J’ai crée l’Orchestre de l’Alliance précédemment appelé l’Orchestre des Musiciens de la Prée il y a 17 ans. Cet orchestre a été crée à l’origine avec des amis du Conservatoire Régional de Paris ou j’étudiais. Nous avons crée un orchestre jeune et dynamique à l’opposé de ce que nous constations autour de nous dans les grands orchestres constitués : un orchestre vivant et flexible ou nous prenions plaisir à jouer et aussi à nous mettre au service de causes qui nous semblaient importantes de soutenir. C’est pour valoriser l’engagement citoyen de notre orchestre et aussi pour témoigner de l’idée du lien qui m’est cher que nous avons rebaptisé notre orchestre « Orchestre de l’Alliance », mettant ainsi en évidence ce lien entre les artistes, entre les publics, entre les cultures, entre les générations et bien sur le lien qui se crée entre les publics et l’orchestre à l’occasion de concerts porteurs de sens auxquels nous sommes particulièrement attachés. Le projet de l’Orchestre pour la Paix était un projet différent puisque j’étais un des chefs invités, car tant du coté des musiciens que de la direction de l’ orchestre il était important d’avoir des représentants des différentes cultures et de pouvoir ainsi transcender nos différences par la magie de la musique et de son langage universel.
Depuis 2005, vous avez initié une nouvelle saison appelée les Saisons de la Solidarité expliquez nous le concept? Avec l’Orchestre de l’Alliance vous proposez des concerts caritatifs comme ce soir avec la Fondation Jacques Chirac?
Nous avons en effet crée avec ma femme Caroline Sénéclauze ces Saisons de la Solidarité car nous souhaitions trouver un modèle qui permette de reverser la totalité des recettes de la billetterie à la cause associée. Il nous fallait trouver un « modèle économique » qui nous permette d’instituer ce Rendez-vous quatre fois par an, le rythme naturel des saisons, et d’ouvrir chacune d’elle par un concert auquel nous associerons une cause que nous étions heureux d’accompagner. Cette démarche ne pouvait se faire qu’avec le soutien de mécènes engagés à nos cotés, c’est avec leur précieux concours que nous avons lancé il y a 5 ans les Saisons de la Solidarité à la Salle Gaveau et que nous avons donc remis à chaque association la somme totale récoltée par la billetterie. Nous avons à ce jour remis plus de 480 000 € à 14 associations différentes. Nos mécènes trouvent grâce à ce nouveau modèle une tribune pour parler de leur engagement. Nous avons en effet contribué à soutenir diverses causes : médicales, sociales, éducatives, environnementales… la fondation Chirac s’inscrit bien naturellement par l’excellence et la diversité des projets qu’elle défend dans ce désir de faire mieux connaitre du public leur travail et résonner par la musique des actions menées sur le terrain.
La Culture pour la paix, l’éthique au travers des Arts, vous en pensez quoi?
La culture a toujours représenté un des moyens de faire vivre la Paix, de rendre possible le travail de ceux qui, au quotidien ne se comprennent plus, s’ignorent ou se battent. Au travers de l’art et de son langage universel, que ce soit la musique, la peinture, la sculpture : c’est l’opportunité de transcender le quotidien pour parler au cœur des hommes. Il faut créer des occasions de se rassembler autour de la beauté car c’est elle qui nous élève, ces différentes formes artistiques nous ouvrent aux autres et sont de véritables médiateurs de nos différences. Il faut que nous sortions de nos écrans internet qui font aussi beaucoup de mal aux jeunes en particuliers et que nous nous rassemblions autour de spectacles vivants qui fédèrent et unissent, tout à l’inverse du monde virtuel souvent désincarné qui nous est proposé sur les écrans.
La révolution culturelle en Iran a été une formidable bouffée d’espoir au début mais fut dévoyée, que pensez vous de ce qui se passe dans des pays à tradition démocratique comme la Tunisie? quels conseils donneriez vous?
Il est bien difficile de donner des conseils. Je pense du reste que personne n’est autorisé à donner des conseils à ceux qui vivent dans des pays à l’histoire si riche et complexe que celle de l’Iran ou celle de la Tunisie et qui traversent des moments qu’ils sont sûrement eux même plus aptes à analyser que nous ne pouvons l’être. On peut en revanche sûrement formuler des vœux. Le mien serait que les pays retrouvent la sérénité qui permet à chacun de s’épanouir et le respect de la personne humaine dans toutes ses diversités et richesse.
Du point de vue que je développais plus tôt je dirais que la place accordée à l’art, la littérature et la culture est primordiale : faire ou écouter de la musique, sortir de chez soi pour vivre ensemble des moments qui nous transportent et nous nourrissent, être à l’écoute de l’autre, de la différence et pour ce faire écouter, vivre ensemble des moments d’émotion qui nous enrichirons et nous élèveront. Je crois à la force de partage, de l’union, à la force des projets fédérateurs de sens. C’est ainsi que l’on peut créer une société porteuse d’espérance et d’avenir…
La culture la seule arme de contre pouvoir contre les machinations politiques du monde? la voix des indignés serait elle plus audible via l’art et la culture?
Ce n’est peut-être pas la seule arme mais c’en est une, bien que le mot arme ne me plaise pas… je dirais plutôt un moyen ou un vecteur de modération et de compréhension.
Je pense que quand on s’indigne et qu’on veut le faire savoir l’art peut-être un chemin mais on ne doit pas oublier la parole, les mots qui sont toujours ‘audibles’ pour reprendre votre terme quand ils sont suffisamment pondérés. Car il faut faire attention dans le débat de ne pas trop choquer, heurter et pour qu’une voix soit entendue elle doit être pondérée et harmonieuse et ainsi créer les conditions d’un dialogue constructif si souvent rompu.