Par Fériel Berraies Guigny
C’est à travers l’histoire de la négation de l’identité de l’Homme Noir que l’artiste ghanéen Godfried Donkor développe son langage plastique. Un langage qui utilise la notion d’icône tout en s’appuyant sur des représentations publicitaires. Il collecte, enregistre et réinterprète des moments historiques de la destinée du peuple noir au travers de la peinture, du collage et de la photographie, créant des juxtapositions visuelles. Des images de galions transportant les esclaves noirs aux Usa en faisant référence à des pin-up Noires ( Black Madonna) ou à des boxeurs légendaires ( Ali, Mike Tyson, etc..)
Juxtaposition de l’industrie du sexe et du sport en point commun l’exploitation de l’homme noir et de la femme.
En Amérique l’histoire de la boxe – et de la lutte en général -est l’histoire de l’homme noir » Joyce Carol Oates, On Boxing, Garden City, New York, 1987. Nul besoin de rappeler que les boxeurs noirs américains furent exploités financièrement et la plupart brisés dans leur carrière pour des raisons politiques et de racisme ( confère le tragique destin de Batlins Siki et tant d’autres)
Donkor jongle aussi avec la juxtaposition d’images contrastées avec le galion, qui suggère la claustrophobie et l’esclavage, et le ring de boxe qui suggère l’espace de liberté et de mouvement. Dans ces deux espaces se construit la notion d’identité et l’artiste utilise le support métaphorique de la toile pour interroger politiquement et philosophiquement cette notion.
Dans le Ring tout est possible car les règles sont les mêmes pour les deux adversaires, l’espace est éclairé, la liberté est grande et l’identité pleinement assumée et défendue.
Autre point intéressant, s’agissant des icônes, que ce soit les Boxeurs ou Black Madonna, les personnages se figent sur des pages du Financial Time, journal de masse de l’opinion, de la doxa, référence au Monde capitaliste qui broie le citoyen et les masses. Ces boxeurs en position de lutte s’affichent dans leur nudité et au travers du regard du spectateur. Dans leurs expressions comme dans leurs poses, ils veulent aussi transgresser leur image et séduire par ce qu’ils sont.
Le public, par la presse, a transformé ces individus en une figure mythique et l’identité de ceux-ci est remise en question au travers de l’actualité. Les collages de Donkor se font à deux niveaux, il superposent aussi les grilles de lecture de son œuvre. L’actualité artistique de ces dernières années a conduit plusieurs manifestations ( Documenta, Biennale de Venise, etc..), Plusieurs musées et plusieurs curateurs se sont penchés sur les œuvres d’artistes « non-occidentaux » comme Godfried Donkor ou d’autres. Donkor dans sa perspective, nous donne une œuvre plastiquement inédites, un langage universelle qui se réfère aux racines africaines et à ses problématiques.
Donkor nous propose une œuvre extrêmement maîtrisée et qui renvoie une autre image de l’Afrique, une Afrique qui se relève digne et fière, une Afrique qui s’est libérée de ses chaines en toute force, et dignité.
Crédits : Les photos sont la propriété de leurs auteurs et de la Galerie D’Art Pascal Polar à Bruxelles. Belgique