Endométriose, oui c’est une maladie que l’on connait peu car on n’en parle pas; du public au privé, à la sphère médicale, il semblerait que ce « mal obscur » pourtant typiquement féminin et très courant, soit totalement effacé du traitement prioritaire des spécialistes.
Par Fériel Berraies Guigny Pdte UFFP. courtesy of UFFP. Toute reproduction interdite
PHOTOS DR CARTIER.
Les deux fondateurs d’ENDODIAG
Pourtant, les chiffres sont accablants et témoignent véritablement d’un désintérêt non fondé: 176 MILLIONS DE FEMMES EN SOUFFRENT DANS LE MONDE ! Il est triste de se l’avouer, mais le regard ou l’intérêt n’est pas le même que s’il s’agissait du cancer de la prostate. Et pourtant les deux maux sont et doivent être rangés dans les priorités médicales. Au même titre que le diabète, l’endométriose fait des ravages dans le Monde au féminin. Un état de fait que UFFP et sa communauté aimerait réellement soulever au travers de cet article !
Alors chères lectrices, lisez cet article, partagez le autour de vous, il est probable que quelqu’un de proche dans votre vie, souffre de cette maladie sans le savoir ou a trop honte d’en parler pour y faire face.
United Fashion for Peace invitée au Womens Forum for Economy and Society par le biais du Cartier Women’s Initiative Award 2012( qu’elle couvre chaque année) a pu rencontrer et s’entretenir avec Cécile Real, lauréate Europe.
Endométriose la grande oubliée
Cécile Real et un membre de son équipe
Vécu comme un tabou par les femmes qui se confient peu « peur de dire que l’on a mal quand on a nos règles, que l’on saigne trop, que l’on éprouve des difficultés quand on a des rapports sexuels, au pire que l’on risque de pas pouvoir avoir d’enfants » bref des non-dits entretenus par un profond désintérêt des pros du domaine médical, qui faute de pouvoir bien comprendre l’origine du mal au demeurant assez complexe, le range parmi les maladies non prioritaires. Or quoi de plus prioritaire que d’effacer la douleur gratuite à l’heure où l’on surmédiatise la clinique anti douleur quand il s’agit du cancer de l’utérus ou de fibrome, quoi de plus important que de prévenir à temps les risques d’infertilité? et de pouvoir réinserer au plus vite, dans le tissu professionnel les femmes qui sont contraintes de quitter leur emploi, ne pouvant gérer simultanément la maladie et le monde du travail . Car l’endométriose est une maladie bien réelle , elle est réellement handicapante et coute très chère à la sécurité sociale, à l’emploi et donc à l’économie du fait de l’absentéisme des femmes.
Le pire c’est qu’elle ne bénéficie d’aucun financement conséquent pour la recherche; pourtant aujourd’hui, nous ne savons toujours pas comment la traiter efficacement, ni diagnostiquer qui serait à même de la contracter et pourquoi. De même nous n’avons que peu d’éléments permettant d’appréhender ses répercussions sur le long terme pour les femmes victimes de la maladie, ce qui signifie également que l’on ne dispose d’aucun moyen pour enrayer la récidive. Si tant est que nous soyons face à une expression non ‘agressive » de la maladie et que l’on ait pu la détecter. Car certaines endométrioses ne sont pas décelables, et les plus courantes étant révélées quand la femme est en désir de procréer et qu’elle réalise qu’elle a un probléme !
Séance de travail au Laboratoire
L’endométriose : qu’est-ce que c’est?
L’endomètre est la muqueuse qui tapisse l’intérieur de l’utérus. À la fin du cycle menstruel, s’il n’y a pas eu fécondation, une partie de l’endomètre (qui se renouvelle constamment) est évacuée avec les menstruations.
L’endométriose se caractérise par la formation, en dehors de l’utérus, de tissus formés de cellules endométriales. Ainsi, de l’endomètre se met à se former ailleurs dans le corps.
Un tissu endométrial, peu importe où il se trouve dans le corps, réagit aux fluctuations hormonales du cycle menstruel. Ainsi, tout comme la muqueuse utérine, il se forme, puis « saigne » chaque mois. Cependant, lorsque ce tissu se situe à l’extérieur de l’utérus, comme c’est le cas chez les femmes atteintes d’endométriose, les saignements n’ont aucune issue vers l’extérieur du corps. Le sang et les cellules endométriales qui se détachent peuvent irriter les organes avoisinants et le péritoine (la membrane qui renferme les organes de l’abdomen). Cela peut aussi entraîner la formation de kystes (de la taille d’une épingle à celle d’un pamplemousse), de tissu cicatriciel ainsi que d’adhérences qui relient les organes entre eux et causent des douleurs.
Endodiag pour de nouveaux outils de dépistage, recherche et traitement
Cécile Real, est ingénieur biomedical, elle est la cofondatrice de ENDODIAG France, une entreprise dont l’objectif est de faciliter le diagnostic de cette maladie. Endodiag arrive sur le marché avec trois produits, Endogram qui vise à améliorer le diagnostic en remplaçant la méthode traditionnelle invasive et parfois inefficace par un pistolet capable de cibler les lésions avec précisions.
Endodiag, le second produit, est en phase de développement, à terme,
il permettra d’établir un premier diagnostic par simple prise de sang par le biais d’une analyse sanguine.
Pour finir, EndoTesting, une solution B2B qui testera l’effficacité de produits pharmaceutiques sur des échantillons issus de l’EndoBioBank.
Entretien avec Cécile Réal lauréate Cartier Europe avec Endodiag
Cécile Real cofondatrice ENDODIAG
Entretien avec la gagnante Cartier Europe: Cécile Real
1 Endometriose une maladie méconnue ?
Cette maladie est courante mais peu connue chez les femmes, elle touche près de 180 millions de femmes dans le Monde. Elle touche les femmes en âge de procréer notamment entre 25 – 40 ans. C’est un réel probléme de santé publique et en interrogeant les gens dans la rue sur cette maladie, on réalise que très peu de gens la connaisse.
Cela reste une maladie assez complexe de plus? oui effectivement, elle est très complexe car on n’en connait pas très bien l’origine. Elle a des mécanismes que l’on ne maitrise pas encore d’un point de vue scientifique. De plus, elle a des symptômes qui ne sont pas spécifiques au problème. Comme aujourd’hui, il n’y a pas de moyens de la diagnostiquer de manière simple, on va d’abord essayer de creuser d’autres pistes, avant d’arriver à une quasi chirurgie qui reste le dernier recours .
Il y a différentes formes de manifestation dans la maladie: chez certaines femmes c’est extrêmement douloureux, chez d’autres non, mais on finit toujours par s’en apercevoir quand il y a un désir de grossesse et que l’on commence à creuser les causes d’infertilité. C’est le probléme de fertilité qui est le symptôme le plus apparent, car sinon il n’y a pas réellement d’autres symptômes. Ce qui est problématique aussi, c’est que comme les femmes ont des enfants de plus en plus tard, alors on s’en aperçoit aussi de plus en plus tard. Ce qui signifie aussi, que l’on minimise les chances d’avoir un enfant.
Endométriose en résumé ? ce sont des petites cellules de l’endomètre qui migrent en dehors et qui vont créer des kystes ou des lésions dans différents organes et selon la forme, on aura soit des choses peu agressives, par exemple une lésion qui va pas trop grossir et qui va rester localisée dans un endroit, et chez d’autres par contre ce sera plus agressif, car cela va voyager et dans certains cas extrêmes monter dans le cerveau ou le poumon. C’est très rare, heureusement. Chez d’autres personnes, il y aura plein de petites lésions extrêmement douloureuses et qui vont se disséminer un peu partout.
Pourquoi peu d’intérêt face à cette maladie? il y a peu d’attention portée aux potentiels symptômes et cela n’est pas normal dans l’absolu. Mais c’est peut être aussi que les femmes ont du mal à en parler, et les médecins ne sont pas ou peu à l’écoute, car pour eux c’est normal qu’une femme ait mal pendant ses règles ou durant ses rapports. Et même quand il y a une attention, elle risque d’arriver trop tard.
Toutes les femmes sont touchées? oui toutes les études le démontrent, toutes les femmes sont touchées; j’avais plutôt l’impression au cours de mes lectures scientifiques , mais cela reste bien sur anecdotique, que les femmes asiatiques l’étaient moins, en rapport au fait qu’elles consomment dans leur alimentation du Soja. Encore une fois, cela reste assez anecdotique. Cela reste un peut être, s’agissant des femmes asiatiques. On n’a pas de prévalence plus ou moins affirmée dans une région donnée du Monde.
L’infertilité serait définitive? cela va dépendre du positionnement de la lésion sur l’organe, si cela touche les deux ovaires ou un seul. Et puis tout va dépendre de l’agressivité de la maladie, du positionnement du kyste. Et puis clairement, il y a des facteurs que l’on ne maitrise pas encore, qui sont extérieurs et qui pourraient être mieux évalués si la recherche était plus intense.
De grandes zones d’ombre aussi ? On ne connait pas assez aujourd’hui cette maladie et cela fait partie de notre étonnement d’ailleurs de voir qu’il y a si peu de recherches sur cette maladie, et de constater le manque de moyens pour mieux l’appréhender.
Briser le tabou le silence et le désintérêt mode d’emploi ? il y a différents niveaux sur lesquels on doit arriver à interpeler: le premier niveau est celui du grand public, car cette maladie doit être mieux connue de tous : » se dire, si j’ai mal c’est pas normal, il faut que j’aille voir » ! c’est le premier point. Le deuxième niveau est de voir comment sensibiliser la communauté médicale à ce » j’ai mal « ; et ensuite réussir à mobiliser pour trouver des financements publics et privés pour entreprendre des recherches approfondies et trouver à la fois le diagnostic et le traitement approprié. C’est vrai qu ‘il y a eu deux études publiées en 2011 et 2012 sur la maladie au niveau du système de santé, menées dans plusieurs pays ( une des deux menée dans plus de 21 pays) de différents continents; quand on voit le cout de la maladie (plusieurs dizaines de milliards de dollars rien qu’aux USA, notamment du fait de l’absentéisme au travail) nos dirigeants et les autorités médicales devraient se dire que cela vaut le cout de financer la recherche!
C’est une maladie qui coute cher aux systémes de santé? oui effectivement, il y a énormément d’arrêts de travail, ce sont des femmes qui, a minima, ne peuvent travailler au moment des règles. Souvent on va essayer de traiter le symptôme et non la racine. Ce sont des traitements longs, récurrents et puis il y a les problèmes psychologiques, les couts d’intervention ! Sans vouloir opposer les maladies, Il y a un probléme de deux poids deux mesures quand on voit tout le travail et le poids des budgets investis dans la recherche sur le diabète. Il faudrait peut être aussi alerter sur le fait que pour l’endométriose cela vaudrait le coup aussi d’investir quand on songe aux conséquences économiques de la maladie.
Endodiag c’est un coup de cœur et de tête ? c’est la rencontre avec un chercheur et un médecin qui travaillent sur cette maladie depuis plus de vingt ans, c’était une maladie que je ne connaissais pas ! j’ai une expérience dans le monde de l’entreprise médicale et je voulais un projet sur lequel il y a avait un sens médical non couvert. Quand j’ai compris un peu, j’étais littéralement choquée. Quand on lit les publications de la société mondiale de l’endométriose qui dit » on est méconnue et sous financée au niveau de la recherche » il faut faire quelque chose! les témoignages, les gens autour de moi, les gens que j’ai connu au travers de cela, voilà ce qui m’a motivée par rapport à ce projet et mon désir de faire avancer les choses.
Endodiag un bébé entreprise? oui elle existe depuis janvier 2011, c’est une toute jeune entreprise, elle est incubée au sein d’un grand Centre médical santé le Genopole, on a la chance d’avoir d’autres entreprises et chercheurs autour de nous qui peuvent échanger avec nous. On partage des équipements de recherche pour travailler. On est une petite structure, 4 associés et 4 salariés qui travaillent dans l’entreprise. L’objectif est de se consacrer sur le diagnostic de la maladie et pour cela on mène un développement en deux étapes: le premier améliorer ce qui se fait aujourdhui. Aujourd’hui, on fait une chirurgie pour aller prélever des lésions qu’on analyse pour décider si oui ou non c’est l’endométriose. On s’est aperçu que les prélèvements n »étaient pas toujours bien faits. Donc on essaye d’améliorer les méthodes de prélèvement avec des instruments spécifiques. Ensuite on va identifier des marqueurs c’est à dire des cartes d’identité de la maladie pour les patientes. Cela nous permet de savoir si cela sera agressif ou pas, cela nous permet d’anticiper les risques de récidive. Il y a 30 % de récidives, c’est énorme et cela va nous permettre de prédire les bons traitements hormonaux pour savoir si cela sera efficace ou pas dans le cas d’une patiente donnée.
Aujourd’hui on donne à l’aveugle les traitements? oui d’où l’opportunité des cartes d’identité de la maladie pour voir si le traitement que l’on donne à la patiente correspond à ses besoins.
Pour l’instant où transférez vous cette technologie ou méthode? la France, la Suisse et on en train de démarrer aux États Unis. A partir de l’année prochaine nous espérons élargir à d’autres pays. Le brevet a été déposé au nom de la société, mais au moment de créer la société, pour avoir une licence, on s’est également rapproché de l’INSERM, on a un transfert de savoir faire entre notre société et eux pour développer l’Endogram, qui est la carte d’identité de cette maladie. Ce qui nous aidera à faire de meilleurs diagnostics et une meilleure orientation thérapeutique de la maladie.
La seconde étape est en cours?oui c’est un projet encore en développement, un test de diagnostic à partir d’une prise de sang ce qui signifierait ne plus passer par la chirurgie. L’énorme intérêt serait de pouvoir faire des dépistages très précoces et plus larges.
Merci Cécile Réal
pour plus d’informations
www.endodiag.com
Existent -il un ou des marqueurs pour identifier une endométriose par une prise de sang?Quels sont ils ?Quel fiabilité ?
Merci chère Dame pour cet éclairage sur cette maladie méconnue !