Haramiste quand on prononce ce titre de film, on pense à tabou, secret bien gardé, interdit, on pense à Haram et l’on se dit que le « iste » ne vas pas arranger les choses. Oui, il fallait le faire, parler de la sexualité cachée des filles voilées à l’heure où la France s’époumone sans fin sur la laïcité et sa chasse au Burkini!
Entre « Marianne » et » Fatima » le fossé s’est quelque peu agrandi, et il est à craindre que le dialogue soit pour l’instant rompu.
Pourtant dans ce film, il s’agit avant tout de deux jeunes filles qui ont envie d’aimer et d’être aimées.
Le voile n’est qu’un accessoire qui ne leur enlève en rien leur beauté ou humanité, si ce n’est qu’elles sont forcées de vivre « en secret » des choses de la vie somme toutes « naturelles » mais bon, tout dépend de quel bord on se positionne.
Cette réflexion sociétale, Antoine Desrosiéres l’a faite et ce, bien avant les événements de cet été qui ont fait de notre pays, la risée de bon nombre de médias Occidentaux, avec une surenchère qu’encore aujourd’hui nous ne comprenons pas.
Oui UFFP est pour la laïcité et le mieux vivre ensemble, mais réfute tout amalgame, raccourci idéologique d’une communauté envers une autre, le principe d’Egalité en France mais « séparé » ne peut fonctionner, en tout cas, cela n’est pas notre rêve du mieux vivre ensemble, car là il s’agit de plutôt » mieux se séparer » pour être ensemble… mais de loin!
Focus sur le réalisateur
Antoine Desrosières, 45 ans, a réalisé deux courts métrages dans les années 80, deux longs métrages dans les années 90, il a fait deux enfants dans les années 2000 et a réalisé deux moyens métrages dans les années 2010. Haramiste est son dernier film, coécrit avec les actrices, sorti en salle en France en 2015 et diffusé sur Arte.
Entretien avec UFFP
1 Haramiste, on y trouve le mot Haram, de la provoc ?
Non, le titre a été trouvé par Souad Arsane, une des actrices/scénariste du film, il décrit très exactement ce dont le film parle, le fait d’être partagé entre le désir (faire des choses « haram ») et en même temps de prendre en compte l’interdit. On n’est pas « Haramiste » si le « Haram » n’a aucun sens pour sois. Par ailleurs c’est un mot utilisé en France mais peu connu, qui a le mérite d’avoir une racine arabe et l’autre française, ce qui évoque la situation des jeunes femmes du film. Enfin, cela me plait d’utiliser un titre dont tout le monde ne connait pas le sens. Cela crée un pont entre les publics. Une partie ne sait pas du tout de quoi il s’agit. Une autre le connait très bien. Et puis il y a toujours ceux qui croient que c’est une référence aux trois mousquetaires (Aramis). Je ne savais pas qu’utiliser le mot « Haram » était « Haram ». Nulle provocation volontaire de notre part donc.
2 Pourquoi avoir choisi l’histoire de deux sœurs voilées? C’est pas un peu taper dans la fourmilière, ces filles sont voilées donc forcément halal? Un pied de nez en somme?
Au départ il s’agissait d’une commande dans une collection sur l’amour aujourd’hui de Arte. Ils n’avaient pas de film sur les rencontres internet bizarrement, bien que cela me semblait être la tarte à la crème sur la question. Nous nous sommes demandés à qui servait le plus les rencontres amoureuses sur internet : aux personnes à qui les rencontres sont très interdites, car cela leur permet d’en faire en dehors de leurs contextes familiaux, sociaux, professionnels, scolaires, etc… A qui les rencontres sont donc interdites ? A toutes les personnes qui respectent une religion monothéiste. En effet, toutes ces religions tombent d’accord pour réprouver la sexualité hors mariage. Pourquoi des jeunes musulmanes alors ? Il m’avait semblé que depuis 10/20/30 ou 50 ans d’autres films ont pu être faits sur les autres religions racontant ce dilemme et que le travail n’avait pas encore été fait, avec ce point de vue de comédie, sur des jeunes femmes musulmanes. Le travail restait à faire. Mais pourquoi des jeunes femmes voilées alors ? Il ne vous a pas échappé que le film était une comédie qui travaille sur la tension entre interdit et désir. Plus l’interdit est interdit et plus le désir est désirant, plus, quand ça explose, c’est explosif, et donc plus les situations sont drôles, ce qui était le but. Il y a aussi que le film est un court métrage. Le voile permet dès la première image, de poser cette tension entre désir et interdit. Enfin, il m’avait semblé que lorsque les médias donnaient la parole à des filles ou femmes voilées, c’était toujours pour qu’elles disent qu’elles étaient libres de le porter ou pour qu’elles se justifient. L’image les réduisant ainsi à ce choix, et à un rôle de portemanteau. Un personnage de cinéma s’humanise avec ses contradictions, nous avons tous des contradictions. Mettre en scène les contradictions non pas « des » jeunes femmes voilées » mais de « deux jeunes femmes voilées » me semblait une manière de leur rendre leur humanité et donc leur dignité. Il me semble qu’il y a trois manières de vivre les interdits: soit on les respecte et on est très épanoui, et alors tout va bien. Respect total. Soit on ne les supporte pas, certains peuvent rompre avec leur famille, leur religion, leur culture, leur pays et cela peut être très violent. C’est rare mais ça existe. Et puis entre les deux il y a toutes les personnes qui, peu ou prou, s’arrangent avec les interdits sans pour autant rompre. C’est de 2 jeunes femmes parmi celles là dont Haramiste raconte l’histoire. Depuis un an que nous présentons le film devant des publics de tous genres, dont nombre de jeunes femmes voilées ou de mères voilées, le film a suscité de nombreux débats, toujours passionnants et respectueux. Aucune ne nous a jamais dit que « cela n’existait pas ». Toutes nous ont dit « avoir une copine qui… ». Malheureusement, la copine n’est jamais venue…
3 Il y a un climat assez tendu à l’heure actuelle en France et en Europe comment le vivez vous et comment le vit votre film?
Mon film a traversé toute cette période. Nous avons appris les événements du 13 novembre 2015 en débattant à Paris avec notre public. Le 15 novembre au soir, nous débattions encore. Beaucoup de spectateurs nous ont dit que le film leur faisait du bien. Des femmes en larmes sont tombées dans les bras de nos actrices/scénaristes en les remerciant. Il a manifestement été utile au moment ou Libération publiait une chronique expliquant la peur d’un passager dans le métro face à une simple femme voilée. Manifestement notre film a participé à ce que l’on ne considère pas ce voile comme un mur interdisant le dialogue ou faisant de celles qui le portent des extraterrestres. Le film interroge à sa manière le lien qu’il y a entre interdit et frustration. On peut interroger le lien qu’il y a à suivre entre frustration et violence.
4 Avez vous eu des réactions négatives, suite à cette image que vous donnez des femmes voilées en France ?
Peu de la part des gens qui ont vu le film. Plus de la part de gens qui se sont contentés de voir la bande annonce ou l’affiche. Mais si le film ne dérangeait personne c’est qu’il ne servirait rien. Un film existe pour ouvrir la discussion. Certaines femmes qui avaient posté des messages insultants sur notre page Facebook, sont venues après que je leur ai écrit, s’exprimer lors de nos débats. Ces rencontres ont toujours été passionnantes et très respectueuses.
5 Tout comme Abdellatif Kechiche la banlieue les histoires de vie de société, en somme cela vous inspire?
Nous n’avons pas le même projet Kechiche et moi. Quand il parle de sexualité, il n’est pas question de maghrébins (la vie d’Adèle) et quand il parle de maghrébins, il n’est pas question de sexualité (La graine et le mulet). Enfin, mon projet de faire de la comédie est plus clairement assumé. Bref nous ne faisons pas le même cinéma, et tant mieux. (ce qui n’empêche pas d’apprécier son travail bien entendu).
6 A l ‘heure où l’on prêche la laïcité, révéler cette autre France que l’on tente « vainement » de réduire ou de « cacher pour certains » n’est ce pas un peu périlleux?
Ben non. Pourquoi ? Ce qui est périlleux c’est de faire des films qui ne parlent de rien.
7 Parlez nous de vos actrices de votre histoire? quelle leçon tirer de tout cela?
Ce sont à l’une et l’autre leurs premières expériences. Ma démarche était de leur donner la parole. Et elles l’ont joyeusement prise et sont devenu coscénaristes.
Je les aime et les admire, pour leur capacité à avoir fabriqué le film mais aussi et surtout pour celui de l’assumer, le défendre et le porter au travers de 1000 débats. Inas dit souvent: « pourquoi des filles n’auraient pas le droit de penser à ce que des garçons s’autorisent à faire? ». La leçon ? Il y a des génies partout, le tout est d’aller les chercher. On a fait un casting de 400 jeunes femmes avant de voir émerger Inas et Souad.
8 Vous avez des selections aussi à l’étranger?
Il a été montré au Festival du film Oriental de Geneve. Sur Arte en Allemagne et Belgique donc.
Et puis à venir.
– Le FIFAG (Festival international du film arabe de Gabes) en Tunisie fin septembre dans la section regard extérieur (première présentation en salle outre méditerranée)
Haramiste sera montré le 11 octobre 2016 au FIAF à New-York (French Institut Alliance Française)
Entrée libre à l’Institut du Monde Arabe à Paris le 25 octobre à 19h. débat avec toute l’équipe.
-La Cabina: Festival Internacional de Mediometrajes de Valence en Espagne, en novembre 2016
Le film est en VOD là: https://vimeo.com/ondemand/haramiste
et en VOD avec sous titres anglais là: https://vimeo.com/ondemand/haramist