« Rien ne ressemble à une âme comme une abeille, elle va de fleur en fleur comme une âme d’étoile en étoile, et elle rapporte le miel comme l’âme rapporte la lumière » écrivait Victor Hugo.
Depuis toujours, les abeilles et le miel n’ont cessé de nourrir le corps et l’imaginaire de l’homme. Et pour nous, la fabrication du miel est une fascinante collaboration mystérieuse et cohérente entre les mondes animal et végétal. On situe l’apparition des abeilles sur terre à près de 100 millions d’années. L’ancêtre des abeilles fut une fourmi ailée. Mais l’homme et l’abeille auraient eu leur premier contact au Mésolithique (de 12 000 à 6 500 av. JC) dans divers lieux : Espagne, Sahara, Bornéo, Australie, Inde. Quant à l’apiculture, désignée à cette époque comme « l’élevage des abeilles », elle serait née en Egypte.
Dans leur ouvrage « Miel, l’art de abeilles, l’or de la ruche », Anicet Desrochers et Anne-Virginie Schmidt, artisans apiculteurs québécois nous offrent un parcours riche de l’Histoire et de la symbolique du miel à travers les civilisations. Le poète latin Virgile voyait l’abeille comme un idéal : « Imiter les abeilles permettrait à l’homme d’accéder au bonheur.
Elles deviennent une source de contemplation et d’admiration » Aux yeux de Virgile, l’abeille est « un être divin ». Les Grecs, les Romains et les Latins, les Égyptiens, les Hébreux, les Hittites, la plupart des peuples anciens tiennent les abeilles en considération.

Chronique l’Autre Consommateur pour UFFP
Par Ezzedine El Mestiri, Fondateur du Nouveau et de l’Autre consommateur
Le savoir-faire apicole du Moyen-Âge s’appuyait principalement sur les connaissances des Grecs et des Romains de l’Antiquité, qui, somme toute, en savaient finalement très peu.
L’apidologie – l’étude des abeilles- nous fournit des leçons passionnantes. Elle nous apprend beaucoup sur la vie de ce petit insecte, acteur de prospérité et d’abondance et la parfaite harmonie qui règne dans cette société-ruche, unie et respectueuse. « Les abeilles n’existent que pour leur collectivité, la colonie et chacune s’affaire à sa tâche pour assurer l’avenir de l’ensemble. Collectivement, les abeilles sont prospères, individuellement, elles meurent d’isolement, incapables d’assurer leurs besoins vitaux ». On en rêve presque que cette organisation sociale soit aussi humaine !
Jean Claude Ameisen évoque dans son excellent ouvrage « Sur les épaules de Darwin » la merveilleuse et l’extraordinaire alliance des abeilles et des fleurs dont dépend notre survie. Il rappelle que sur les vingt mille espèces actuelles d’abeilles, la plupart vivent en solitaires. « Elles construisent leur nid sur le sol, ou dans le bois, ou encore à partir de résine. D’autres vivent en toutes petites communautés peu structurées. Un tiers environ des espèces sont des abeilles parasites. Mais c’est dans cette famille qu’a émergé, il y a une vingtaine de millions d’années, la tribu des Apini – qui a donné naissance aux neuf espèces d’abeilles à miel, à la vie sociale complexe »
L’abeille sort sa langue de sa trompe pour aspirer le nectar. La longueur de la langue (de 5 à 7 mm) détermine quelles fleurs seront butinées. Elle jouit d’une vision panoramique de 360 dégrés avec une profondeur de champ quasi-infinie. Cette vision reste très nette durant le vol. Elle est aussi pourvue d’une mémoire visuelle qui lui permet de s’orienter et de renseigner ses acolytes.
Son odorat, 10 à 100 fois plus sensible que chez l’homme, passe par ses antennes qui possèdent environ 6000 récepteurs pour l’ouvrière, chargée de détecter des milliers d’odeurs à l’intérieur et à l’extérieur de la ruche. Le goût est développé chez l’abeille qui dispose de nombreux récepteurs gustatifs capables de différencier le sucré, l’acide, l’amer et le salé. Et pour s’orienter, l’abeille utilise principalement le soleil comme point de repère et elle arrive toujours à retrouver la source de nourriture même si plusieurs heures ou même une nuit se sont écoulées entre les vols.
La durée de vie moyenne d’une abeille ouvrière est de 45 jours, mais certaines abeilles nées au printemps pourraient vivre jusqu’à 5 mois.
Mille fleurs, mille miels. La récolte de nectar nécessaire à la production du miel est liée à la diversité des fleurs entourant les ruches. Chaque miel est unique et le produit du butinage des abeilles dans un rayon d’environ de 2 à 3 Km. C’est cette aire de butinage qui donne au miel son caractère, sa couleur et ses arômes. Et pour certifier biologiquement son miel, l’apiculteur doit démontrer qu’il sélectionne pour ses ruchers des emplacements qui procurent des sources de nectar et de pollen provenant des cultures biologiques dans un rayon de 3 Km.
L’ouvrage présente toute une somme de magnifiques recettes culinaires au miel. Le miel est moins calorique que le sucre, a un pouvoir sucrant plus grand. Il rehausse naturellement le goût des aliments. Les auteurs nous rappellent aussi les vertus et les bienfaits des produits de la ruche. La pharmacopée des abeilles est une véritable quintessence de la nature. L’abeille nous fournit aussi la propolis, le pollen, la cire, la gelée royale. Tous représentent un grand intérêt pour notre bien-être et notre santé. Le miel est un indispensable allié des voies respiratoires. Il est aussi un précieux antiseptique et cicatrisant, et reconnu pour son action bienfaisante sur la peau.
Au-delà du miel qu’elle produit, l’abeille joue un rôle essentiel de pollinisatrice dans notre alimentation et dans la présentation de notre biodiversité.
Sur les 100 espèces végétales qui fournissent 90 % de la nourriture dans le monde, plus de 70 % dépendent des abeilles pour leur pollinisation. On estime par exemple à plus de 15 milliards de dollars la contribution annuelle des abeilles à la production agricole des Etats-Unis, alors que la valeur économique mondiale de la pollinisation vaudrait entre 200 et 300 milliards de dollars.
Gilles Lapouge rend hommage à l’abeille dans un émouvant ouvrage « L’âne et l’abeille » : « Elle transmet et embellit la vie sur terre. Elle peint le monde. Elle le fait étinceler, le féconde, lui permet de nourrir les hommes. Elle a la charge non seulement de faire du miel, de faire luire les prairies, mais encore de féconder les plantes qui nourrissent les hommes ».
Depuis une dizaine d’années, l’abeille se meurt. Et on s’interroge sur les raisons de ce désastre. Les coupables sont les pesticides ! « On connaît les cérémonies de cette mort : l’abeille quitte la ruche, fait son marché dans le nectar des prairies et quand elle regagne son logis, elle ne sait plus où elle en est. Elle a perdu le nord, l’est, l’ouest et le sud ; Plus de rose des vents » note-t-il.
Notre avenir comme celui des générations futures est étroitement lié à celui de l’abeille. La sauvegarde de cet insecte, une véritable sentinelle pour la biodiversité et l’environnement est une cause planétaire.
Miel, l’art des abeilles, l’or de la ruche, Anicet Desrochers et Anne-Virginie Schmidt, Les Editions de l’Homme
Sur les épaules de Darwin, Jean Claude Ameisen, Editions Le liens qui libèrent
L’âne et l’abeille, Gilles Lapouge, Albin Michel