L’islam aujourd’hui abonde en stéréotypes négatifs dans l’imaginaire collectif, contribuant ainsi à désinformer sur une religion à la base, pacifique et ré unificatrice Mais si l’Islam est en crise aujourd’hui, ce n’est pas tant que le problème vient des textes, mais plutôt des interprétations que l’on veut bien en faire. L’Islam religion de tolérance et de miséricorde, dans les mains de certains, est une bombe à retardement.
Comment parvenir à réhabiliter un discours de foi qui ne semble ni partisan ni opposant ?
Peut-on parvenir à un juste milieu entre érudits et non érudits de la question musulmane ? comment faire face à la mouvance intégriste qui le dénature et qui contribue à construire le « salafisme » qui est un mouvement liberticide ?
L’intégrisme fabrique des frontières strictes pour séparer les uns des autres par l’intermédiaire de la religion. Son objectif consiste avant tout à construire des séparations infranchissables. Pour cela, il réduit l’islam à un ensemble de codes et de normes, qui isolent ceux qui sont dedans de ceux qui sont dehors. Une certaine codification inhérente à leur groupe se construit. Cela passe par la manière de se saluer, de se parler, de se nourrir, de s’habiller… L’argument « pour ne pas ressembler aux koffars (mécréants) » peut à première vue sembler religieux, mais il recouvre en vérité l’ensemble des êtres humains qui ne sont pas « exactement comme eux », autres musulmans compris et ne s’appuie sur aucune tradition culturelle ou religieuse. Soit tu es exactement comme moi, soit tu deviens un danger pour le groupe !
L’intégrisme n’a rien de religieux
Dans l’intégrisme, il ne s’agit pas de se soumettre à une religion mais de s’approprier l’autorité de cette religion en son nom propre pour s’ériger soi-même en autorité au-dessus de tous les autres hommes « Les intégristes n’ont que faire de Dieu. Ce qu’ils veulent, c’est prendre la place de Dieu » ! explique l’anthropologue Dounia Bouzar.
Les intégristes n’ont que faire des discussions théologiques.
Le discours intégriste fonctionne comme une secte. Il s’agit de créer l’unité totale entre les adeptes. Il exacerbe les différences avec « les autres », c’est-à-dire tous ceux qui n’adhèrent pas à la secte. Et il exagère les ressemblances entre « adeptes », jusqu’à provoquer l’amalgame. Pour qu’à l’intérieur du groupe, les uns ne se distinguent plus des autres. En fait, on donne l’illusion au jeune de percevoir exactement les mêmes émotions que « ses frères », d’être absolument le « même », afin qu’il perde ses contours identitaires. C’est pour cette raison qu’il coupe le jeune de tous ses autres liens, y compris sa famille. Pour anéantir toutes les différences d’un jeune à l’autre. Comme toutes les idéologies de ruptures, l’intégrisme repose sur l’exaltation de groupe.
Les jeunes les premiers embrigadés de l’islam intégriste
Ce sont les jeunes qui se sentent « de nulle part » qui grossissent les rangs des intégristes qui peuvent potentiellement basculer vers le djihadisme et leur profil est multiple : ingénieurs, médecins, intellectuels et ils ne sont pas pour autant des oubliés des sociétés et ils deviennent terroristes…
Le discours intégriste est lourd de sens pour les oubliés du tissu social
Le discours intégriste est subtil. Au lieu de dire qu’ils doivent s’enraciner, l’intégrisme leur promet de devenir des héros de la révolution mondiale : « Vous n’êtes pas Anglais, ni Américains, Français, Marocains, Algériens, vous êtes au-dessus de tous ces gens-là ! Sachez que si vous vous sentez étrangers, c’est que Dieu vous a élu parce qu’Il sait que vous êtes supérieurs aux Arabes, aux Asiatiques, aux Européens, et surtout, surtout aux Américains.
Le discours intégriste fait autorité parce qu’il fait sens, sur des jeunes qui ne se sentent de nulle part. Il leur offre un espace de substitution virtuel supérieur au reste du monde qui leur garantit la toute-puissance. Ce n’est pas pour rien que 99% de l’endoctrinement se fait par un moyen de communication également virtuel : internet ! Les internautes ne se rencontrent qu’une fois endoctrinés. L’intégrisme fascine ceux qui sont sans attache, les particules volantes qui ne savent ni d’où elles viennent et ni où elles veulent aller, en leur offrant un univers où ils reconstruisent de nouvelles démarcations.
Salafisme quand tu nous tiens !
La montée du salafisme au Sahel et en Afrique du Nord depuis l’après réveil arabe, remet encore une fois à l’ordre du jour les « trois âges du discours » islamiste contemporain, pour rappel quels sont ils ?
Le salafisme est une mouvance hétérogène composée de trois tendances qui se vouent mutuellement aux gémonies. Il représente une utopie religieuse vers laquelle les sociétés musulmanes doivent tendre. Il y a d’abord les salafistes jihadistes, ensuite les salafistes politiques comme Ali Belhadj l’un des responsables de l’ex-Front islamique du salut. Enfin le salafisme prédicatif incarné au Maghreb par le wahhabisme. Alors que les deux premières tendances sont ultra-majoritaires la troisième est ultra majoritaire dans le spectre du salafisme. Il est devenu un acteur central de la ré islamisation, surtout en Algérie et à présent tente de place des graines durables en Egypte et en Tunisie et tous les pays nouvellement libérés des « Dictatures ».
Pour Samir Amghar, ces trois formes de salafismes ne constituent pas une menace pour la sécurité politique des régimes maghrébins. Bien au contraire, ils participeraient à des niveaux différents à la stabilité politique des pays nord africains. Le salafisme jihadisme a permis aux régimes maghrébins de justifier de leur autoritarisme. Ainsi, les pouvoirs affirment la nécessité au nom de la pérennité de l’Etat de faire l’économie d’une démocratisation de la vie politique pour lutter efficacement contre le jihadisme. Pour les salafistes politiques, ils ne remettent pas du tout en cause le système. Et en participant à la vie politique, ils la renforcent. Pour les salafistes de prédication, ils ne se mêlent pas de politique et développent un discours loyaliste à l’égard des régimes considérés comme les meilleurs défenseurs de l’identité islamique.
Les salafistes prédicatifs ont la particularité d’être proche des autorités religieuses officielles saoudiennes. Ils mettent l’accent sur la prédication et la formation religieuse comme outil de changement social. Ils sont très critiques à l’égard des jihadistes à qui ils reprochent de faire un usage détourné de la guerre sainte. Ils récusent également les islamistes à qui ils reprochent de politiser l’islam.
Les jeunes de plus en plus volontaires au Jihad
Qu’est ce qui justifie la nouvelle vocation de Martyr au Maghreb et ailleurs?
Dans le Monde arabe, l’objectif est sans équivoque : prendre le pouvoir et imposer une politique inspirée par la Charia. Quant aux méthodes elles sont toutes des méthodes terroristes, ou utilisation de la violence et de la peur et elles ont été plus fortes et radicales dans les pays du Maghreb, à l’instar de l’Occident où ils ont en effet, plus de mal à passer « à l’action » du fait du système sécuritaire. En fait, cette distinction relève d’un vieux débat entre les partisans d’une lutte internationaliste et les partisans d’une lutte au contraire nationaliste. Ce sont des débats qu’on trouve au sein même de la mouvance Jihadiste et cela a même conduit à des mouvements très violents entre ceux qui pensent qu’il faut se mettre au service d’une grande cause nationaliste du type Al Qaeda, laquelle promeut une frappe contre L’Occident considérée comme « la tête du serpent » et ceux qui veulent se concentrer sur un combat national. Ces derniers pensent qu’il faut d’abord frapper les Etats arabes. C’est que l’objectif des jihadistes enflammer » et donc il feront tout pour faire rentrer des pays comme la Tunisie, l’Egypte, l’Algérie le Maroc, la Syrie dans le chaos. Leur stratégie passe essentiellement par cela, c’est à dire développer « le désordre et l’anarchie » même dans les pays traditionnellement stables et calmes. Tout le Maghreb est visé et ce n’est pas une coïncidence s’ils se font appeler « Al Qaeda Maghreb » !
Méthodes de recrutement
Continuer de faire référence au texte sacré, il pourrait continuer à recruter. Et ce, plutôt que d’avoir pour référence, une analyse politique du Monde arabe, basée comme dans le nationalisme arabe sur des références marxistes. Les premiers textes d’Al_Qaïda de 1994 sont des textes politiques qui ne revendiquaient pas l’application de la Charia, mais l’exclusion de toutes les terres arabes et musulmanes, des armées et de l’influence occidentale. Les références des sergents recruteurs du terrorisme sont la Tchétchénie la Bosnie, la Palestine. Si l’on fait n’importe quoi depuis le 11 septembre, c’est parce qu’on mêle et on croise des concepts et des discours politiques et islamistes.
En conclusion ce qu’il faut retenir c’est qu’il faudra pour les musulmans laïques et éclairés se battre pour arrêter la confusion et la manipulation contre l’Islam. Se dire que le Coran est sacré mais que sa compréhension reste humaine. La parole divine touche tous les cœurs, quels que soient le siècle et le lieu. Aujourd’hui, il y a confusion entre la parole divine et l’interprétation qu’on en fait. Il faut tenir compte de l’évolution de chaque siècle et de chaque société. Quand des comportements d’individus ne correspondent pas aux normes d’une société donnée, il ne faut pas incriminer l’Islam. Il faut rester sur la responsabilité individuelle. L’accès au savoir et le fait de grandir dans les valeurs républicaines peuvent conduire les Musulmans à une réinterprétation de l’Islam. Il faut se remettre en position d’écoute et se demander ce que Dieu veut nous dire à travers ce texte. Mais cela n’est possible que si on nous laisse librement penser et qu’on arrête de stigmatiser l’Islam.