Le 15 septembre 2012, la Technoparade a transformé place de la Nation en gigantesque Dancefloor, imprégnant une fois de plus, les rues de Paris de musiques électroniques. Parmi les 14 chars, celui des Invités d’Honneur a retenu toute notre attention.Un reportage de notre envoyée spéciale UFFP Gabrielle BirnholzPhotos Gabrielle Birnholz DR UNITED FASHION FOR PEACE.Texte et photos reproduction interditeUFFP est partie à la rencontre du collectif Moroko Loko. Cette bande de joyeux artistes/DJs, fêtards et militants de la scène de musique électronique au Maroc, nous a touché le cœur et les oreilles. Par leur set de plus de 8h à la Renew’all, ils ont prouvé qu’il y avait bien plus à trouver au Maroc, en marge de la scène clubbing traditionnelle et commerciale : un engagement artistique et culturel indépendant du courant mainstream, tenant tête aux idées reçus sur cet univers.
En plus d’une petite promenade photographique de l’évènement, UFFP laisse la parole à Amine Akebsi du collectif Moroko Loko pour vous raconter tout cela dans l’interview suivante.
UFFP: Pourriez-vous nous présenter brièvement le parcours des membres de Moroko Loko et ce qui vous a amené à fédérer?
UFFP: Quelle est l’histoire de la musique électronique et de la scène clubbing au Maroc? Pensez-vous que la House commerciale y fut considérée auparavant comme underground?
Amine: À partir de 2005, des scènes de Progressive et d’Iberican Sound ont furtivement fait leur apparition au Maroc, mais elles ont rapidement été décimées par la vague commerciale. On pourrait presque parler de fausse couche tellement les phénomènes furent éphémères.
En 2007, j’ai créé avec un ami le premier festival électro du Maroc, à Rabat, qui réunit 5000 personnes. Souhaitant émettre un message humain au festival, les bénéfices furent reversés aux associations aidant les enfants cancéreux. La deuxième édition a eu lieu en 2009 et les fonds on été reversés aux enfants atteints de cardiopathie congénitale.
En 2009, souhaitant donner un nouveau souffle à la musique électronique au Maroc, nous avons créé le collectif Moroko Loko. Nous avons commencé dans un ancien club/cabaret de Rabat avec une programmation éclectique et dont l’ambiance était clairement expliquée à l’entrée : « Tenue incorrecte exigée. Cerveaux interdits », un peu à la manière du Studio 54 à New-York. Nous voulions créer un véritable concept fédérateur et casser les codes, plaçant le DJ booth au niveau du dancefloor.
En ce qui concerne la perception de la musique auparavant, je pense que les marocains ont pris ce qu’il avaient dans les clubs sans trop se poser de questions. Ils ont suivi le « flow », malgré le fait qu’il y avait clairement une petite communauté d’aficionados de musique underground. Ces derniers ont continués à écouter de la musique pointue, les autres ont ingurgités la musique que les radios et clubs leur offraient au fur et à mesure que les modes changeaient.
UFFP: Est-ce que tout l’éventail de la musique électronique est représenté au Maroc? (Y trouve -on par exemple de la psy-trans?)
Amine: La scène psy transe est l’une des scènes les plus développées au Maroc et existe même bien avant la scène House et Techno. Pendant une période, tous les weekends sur les plages ou dans des fermes il y avait des « teufs » Psy Transe. Nous avons aussi enormément de gros festivals Psy Transe comme le Transahara qui est un événement magique et unique en son genre et qui prend place au milieu des dunes de Merzouga dans le désert. Cet événement rassemble plus de 47 nationalités à chaque édition. Moroko Loko vient d’ailleurs de signer un partenariat avec l’événement pour créer une scène à part lors de la prochaine édition en avril 2013. Le reste des musiques électroniques est assez bien représenté, que ce soit la House de Chicago, la Techno de Detroit, ou encore le Dubstep. Mais tout ceci reste cantiné au milieu underground, aux petites « teufs » et à certains petits clubs qui ont choisi de ne jouer que ce genre de musique.
Amine : Le choix de booker des artistes étrangers se justifie par trois axes. Le premier est de pouvoir offrir au public marocain un son unique, pointu et éclectique auquel il n’aurait pas accès au sein de leur pays, leur donner un aperçu de ce qui se passe à l’étranger et continuer l’éducation musicale que nous avons entrepris. Le deuxième axe est de pouvoir montrer aux dis étrangers « leader d’opinion » que la scène underground marocaine est en ébullition et que notre événement sont exceptionnels et magiques, ainsi que leur présenter les différentes facettes de notre pays et leur faire découvrir notre culture. D’ailleurs la plupart des djs en gardent un souvenir exceptionnel, que ce soit en terme de soirée car il ne veulent plus quitter les platines, ou en terme d’expérience humaine car ils tombent amoureux du Maroc. Le troisième axe est plutôt égoïste, nous ne ramenons que des légendes de la musique électronique qui nous on fait vibrer depuis que l’on a découvert ce milieu, on se fait donc plaisir en les ramenant jouer à nos soirées 🙂
UFFP: Moroko Loko invité d’honneur à la techno parade! Quel message portez-vous? Quelle reconnaissance et quel impact cela pourraient-ils avoir pour vos projets au Maroc?
Amine: J’ai participé en tant qu’auditeur à presque toutes les éditions de la Techno Parade depuis 2002. Cette manifestation apporte l’électro aux masses, c’est un véritable évènement d’utilité publique. De plus, l’organisation et la prestation sont vraiment excellentes, et je respecte beaucoup Technopol pour ça.
Il y a dix ans, on disait innocemment « et si on jouait sur un char ? », sans se douter que notre rêve se réaliserait… En tant qu’invité officiel l’année dernière, c’était une vraie responsabilité de participer à la Techno Parade 2011. Personne ne nous suivait au départ de Nation, et arrivé à Bastille, c’était plein à craquer !
En tant qu’invité d’honneur la responsabilité a été encore plus élevée. Nous devions donner le meilleur de nous même, que ce soit en terme de visuel qu’en terme musical. Notre message a été de présenter un Maroc moderne, jeune, ouvert sur le monde et sur l’avenir et un Maroc capable de prouver que nous aussi nous pouvons peser sur la scène internationale artistique. Mais le message principal que nous souhaitions diffuser était le message universel de la musique électronique: « Share the love », quelque soit la nationalité, la religion, la classe sociale, un message d’amour et de paix!
UFFP: Vous avez eu l’honneur de rencontrer Aurélie Filipetti, Ministre de la Culture en France, Jack Lang, grand politicien et ancien Ministre de la Culture, ainsi que Jean Michel Jarre, pionnier et chercheur de la musique électronique en France. Quels sont vos réactions?
Amine: Tout d’abord commençons par Jean Michelle Jarre qui accompagnait Aurélie Filipetti et Jack Lang. Jean Michelle Jarre est une légende de la musique électronique, un précurseur aux côtés de Kraftwerk, Tangerine Dreams…. Sans lui je ne sais pas si nous en serions là de nos jours. Cela fait toujours chaud au cour de rencontrer ce genre de personne et de lui serrer la main et surtout de se faire encourager par ces légendes, cela donne énormément de motivation et permet de continuer sans se poser trop de questions.
UFFP: UFFP a remarqué, à la Parade, la présence de militants pour le droit marocain d’expression culturelle, qu’en avez-vous pensé?
Amine: Je vais être honnête avec vous, avant leur arrivée mon avis était mitigé. Tout d’abord il faut savoir que je suis du même camp qu’eux et que nous adhérons au même mouvement politique. J’avais peur que leur intervention se transforme en une manifestation politique qui n’a pas sa place lors d’un événement culturel. Mais j’ai tout de suite changé d’avis lorsque j’ai vu que leur revendications était purement liés à la culture et à la défense des artistes marocains. Nous avons un réel problème dans notre pays, la liberté d’expression est très aléatoire et un grand nombre d’artistes marocains en ont fait les frais. Une multitude d’entre eux se sont retrouvés derrière les barreaux à cause de leur franc parler ce qui est un honte pour un pays qui se veut ouvert d’esprit et qui s’inscrit dans la modernité. J’ai d’ailleurs discuté avec les militants au début de la parade pour comprendre leur revendications et je les soutiens!
UFFP: Vos activités ont-elles un impact politique d’un point de vue culturel? Etes-vous considérés par le milieu comme militant, voir innovateur, ou simplement un joyeux noyau qui sait fêter sans complexe ? Vos activités ont-elles été influente au niveau de la scène locale, voir commerciale?
Amine: Alors concernant la considération par le milieu les avis sont mitigés. Certains nous voient comme de joyeux lurons qui ne pensent qu’à faire la fête, d’autres nous voient comme de vrais militants de la scène underground et des pionniers qui font tout pour relever le niveau marocain et offrent au public quelque chose d’unique et innovatrice. Pour notre part, nous nous considérons comme des agitateurs de la scène. Nous avons toujours milité pour casser les codes de la scène marocaine et c’est ce que nous faisons. Nous avons été les pionniers dans une multitude de domaines, que ce soit en terme visuel ou musical mais surtout en terme de « codes de la fête ». Nous souhaitions vraiment changer les mentalités en appliquant des règles à l’opposé de ce que les marocains connaissent comme la tenue incorrecte exigée, le dj sur le dancefloor, aucune concession musicale, des thèmes assez déjantés et la création d’une sorte de famille qui nous suit là où on va. Je pense que nous avons eu un impact assez important sur la scène. En effet quand nous avons commencé tout le monde nous disait que nous allions nous planter, que l’underground était mort et que nous étions voués à l’échec. Mais « Hard work pays off »!!! Maintenant nous assistons à un renouveau complet de la scène, une multitude de nouveaux concepts voient le jour, des soirées underground poussent comme des champignons et nous assistons de plus en plus à l’émergence d’une nouvelle ère dans la scène électronique marocaine et de plus en plus de dj se mettent à la musique underground ce que nous encourageons et soutenons pleinement (du moment que c’est fait dans les règles de l’art). Je pense que nous avons donner un nouveau souffle à cette scène, notre but étant de toujours nous dépasser et de tirer la scène vers le haut.
UFFP: En France, le statut du DJ artiste ainsi que les reformes légales à mettre en place, sont au coeur du débat soulevé par l’association Technopol . Quels statut avez-vous au Maroc? Quels sont vos droits sociaux à l’heure actuelle?
Amine: La réponse à cette question va être très brève… Que ce soit en terme de statut ou de droits sociaux, c’est le néant!
UFFP: Renew’all, thème de la technoparade 2012, se joue des superstitions quant à la fin du monde, et préfère se positionner sur le début d’une nouvelle ère qui amènera des perspectives positives . Quels sont les engagements de Moroko Loko vis à vis de cette idée?
Amine: Nous vivons dans un monde où rien ne va plus. Le système qui régule l’économie à atteint ses limites et les êtres humains s’éloignent des choses importantes de la vie qui sont le partage, l’amour, et la construction d’un monde meilleur pour TOUT le monde. A notre minuscule échelle nous essayons de diffuser ces messages universels et essayons de créer des liens entre les gens. Certes ce n’est que le temps d’un événement mais vous seriez surpris de voir à quel point un événement peut avoir un impact sur la vie de tous les jours d’un être humain, car ce que nous apportons c’est « a new way of life » 🙂 .
UFFP : Pourriez vous nous parler un peu plus de la Tekno Parade Marocaine, ses premières éditions, ses difficultés et succès, ainsi que le développement de ce projet à l’avenir?
Amine: Nous avons mis en place plusieurs Techno Parade au Maroc. Cela a été un énorme challenge que ce soit au niveau logistique, financier et au niveau des autorisations. Nous avons réalisé un rêve, mais celui-ci est très loin d’être arrivé à maturité, il faut avant tout changer les mentalités pour que l’événement soit un succès et je pense que nous sommes sur la bonne voie. L’avenir nous dira si l’on avait raison.
UFFP: Que pensez vous de UFFP? un dernier mot pour nos membres et nos lecteurs?
La renaissance a prit son chemin avec plus de 300 000 participants cette année, un moment de bonheur, de partage, et d’échange.
Technopol propose une année remplie de belles activités,( http://www.
UFFP vous invite à décourvrir l’oeuvre d’Oussama Benbila (www.ousamabenbila.com), et à faire plus ample connaissance avec Moroko Loko à morokoloko.com.
Que la fête continue!
l’adresse de l’artiste visuel est http://www.oussamabenbila.com