Fondateur et directeur de l’IRIS, directeur de « La Revue internationale et stratégique » et de « L’Année stratégique », enseignant à l’Institut d’études européennes de l’université de Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, éditorialiste, Pascal BONIFACE est l’auteur ou le directeur d’une cinquantaine d’ouvrages de référence relatifs aux relations internationales, aux questions nucléaires, au désarmement, aux rapports de force entre puissances, à la politique étrangère française, à l’impact du sport dans les relations internationales ou encore au conflit du Proche-Orient et à ses répercussions en France.
UFFP s’est entretenue avec lui à l’occasion de la sortie de la rediffusion de » La Géopolitique » parue aux éditions Eyrolles ce mois de novembre passé.
Entretien avec UFFP :
- Pourquoi cet ouvrage aujourd’hui ? Est-ce important de montrer que le monde est en ébullition, qu’il est en train de changer de « paradigmes » ?
Il y avait un intérêt de la part des jeunes générations pour les questions géopolitiques. Ces nouvelles générations sont connectées, ouvertes au monde et ont une véritable soif de compréhension des enjeux d’un monde en pleine ébullition. Ils savent que leur vie ne sera pas confinée dans un cadre national et qui leur est indispensable, non seulement professionnellement, mais également humainement en tant que citoyen, afin de comprendre ce qui se passe à l’extérieur de nos frontières, si le terme de frontières a encore une signification. Le succès de ce livre, qui en est déjà à sa troisième réédition et réactualisation, montre que les questions géopolitiques sont pas destinées à un public restreint, mais s’ouvrent à un public large qui veut comprendre le monde dans lequel il vit au quotidien.
3 Vous parlez de gouvernance mondiale. Où se place-t-elle à l’heure où l’humanité est en train de « connaitre le pire » : épuisement des ressources naturelles, système économique déshumanisé, montée des populismes, terrorisme, famines et émergence de nouvelles maladies ?
Vous avez raison, il n’y a pas réellement de communauté internationale. On a du mal à voir son émergence. Nous vivons bien sur la même planète mais, si le monde est bien un village global, il n’y a pas de conseil municipal ou de maire qui puisse décider collectivement de la marche à venir. Les divergences d’intérêts entre les différents États empêchent toujours d’élaborer une solution commune aux grands défis auxquels est confrontée la planète.
4 Pourtant, la communauté internationale doit faire face et construire les outils capables de contrer les risques menaçant l’existence de millions d’êtres humains sur l’ensemble de la planète ?
Le succès de la conférence de Paris peut mettre du baume au cœur. Finalement, malgré les intérêts divergents entre les pays en développement et les pays développés, les pays producteurs d’énergie et les pays consommateurs, ceux qui comptent sur le charbon et ceux qui fonctionnent au nucléaire, il y eut un accord global pour parvenir à limiter l’émission de gaz à effet de serre et combattre le réchauffement climatique. Puisse cet exemple être suivi par d’autres.
5 La prolifération nucléaire, les guerres endémiques, la faillite de l’Etat de Droit et des « Etats » laissent-ils présager des lendemains difficiles ?
Plus que la prolifération nucléaire, la prolifération étatique peut être un véritable danger. Les peuples vivent de moins en moins ensemble sous un toit commun et chacun veut profiter d’une ressource qui lui est propre. Il y a 5000 peuple et ethnies dans le monde. Pourra-t-on vivre avec 5000 États ? Il faut réellement apprendre à vivre ensemble malgré nos différences qui sont autant de richesses, malheureusement vues trop souvent comme des antagonismes.
6 On parle de réchauffement climatique, des migrations, des réfugiées d’un nouveau type, mais également du terrorisme qui peut également récupérer certains de ces terreaux. Malgré tout, des espaces de débats et des initiatives continuent de fleurir comme la COP 21 ?
Le réchauffement climatique est le plus grave défi qui se pose à l’humanité pour sa survie. Comme l’a exprimé Ban Ki Moon : « Il n’y a pas de plan B, parce qu’il n’y a pas de planète B ». Le réchauffement climatique non contrôlé rendrait impossible la vie sur terre et, à moyen terme, aggraverait les conflits par l’attrition des ressources. La crise des réfugiés que nous connaissons ne concernerait pas quelques centaines de milliers de personnes mais des dizaines de millions de personnes. Il est donc tout à fait indispensable de mettre de côté les différences d’intérêts d’opinion pour parvenir à une solution commune.
7 Aujourd’hui la « donne sécuritaire » est en question, le terrorisme une « guerre globale » et des mythes comme « la guerre des civilisations » ont bon dos, récupérés par les mouvances extrémistes. Comment endiguer ce fléau qui consiste à « stigmatiser » une communauté ?
La guerre contre le terrorisme, déclarée par George Bush, est plus venue développer le terrorisme qu’elle ne l’a combattu. La guerre de 2003 était une erreur stratégique majeure qui est venue accréditer l’idée d’une guerre des civilisations et qui a développé le fossé entre le monde musulman et occidental, et a seulement donné naissance à l’État islamique. Il est indispensable de comprendre les erreurs qui ont été commises pour ne pas les commettre de nouveau. Rien ne sera possible sans une entente entre les différentes civilisations dans un dialogue où chacun a droit à sa place.
8 Aujourd’hui faut-il donner plus la voix « aux peuples » pour constituer « un pacte des peuples » au détriment des politiques ? Un nouvel ordre mondial est-il possible ? une mondialisation sociale globale à visage plus humain ?
Heureusement, les sociétés civiles se font de plus en plus entendre, y compris dans les pays autoritaires. Il y a des opinions publiques qui se développent : aujourd’hui 600 millions d’internautes en Chine, ce qui n’a plus rien à voir avec la Chine de Mao il y a 25 ans. Il y avait moins de téléphones dans toute l’Afrique subsaharienne que dans Manhattan ; il y a aujourd’hui 600 millions de téléphones portables dans l’Afrique et les gens ont ainsi accès à l’information. L’Afrique est également entrée dans la globalisation, l’accès à l’information touche de plus en plus les continents, les sociétés civiles se développent, les opinions se font de plus en plus entendre. C’est finalement un facteur d’espoir par rapport aux troubles que nous connaissons.
Fiche Technique :
Nouvelle édition par Pascal BONIFACE
dans la collection « Eyrolles Pratique »
200 pages / 10 €
La nouvelle édition d’un -déjà- ‘classique’ de Pascal BONIFACE
Le panorama des conflits, problématiques et tendances du monde actuel, en 42 FICHES thématiques -précédées d’une introduction à la discipline- : Les repères et clés pour comprendre l’actualité internationale.
La géopolitique, en tant qu’étude des relations internationales, rend compte du phénomène de la mondialisation tout en analysant ses mécanismes.
>Défis : gouvernance mondiale, terrorisme, prolifération nucléaire, permanence de la guerre, réchauffement climatique, choc des civilisations, États faillis, guerres de l’espace et cyberguerres, migrations
>Principaux conflits et crises : Ukraine-Russie, État islamique, Israël-Palestine, Iran, Afghanistan, Inde et Pakistan, Chine et Taïwan, Tensions en mer de Chine, Corée, Tibet, Boko Haram, Soudan
>Tendances structurelles : fin de l’hyperpuissance américaine et du monopole occidental de la puissance, basculement des États-Unis vers le Pacifique, prolifération étatique, Chine -prochaine première puissance mondiale-, montée en puissance de l’opinion publique, ‘soft power’, redéfinition de la puissance, justice internationale, progrès de la démocratie
>Questionnements : fin des frontières, mondialisation universelle, impuissance de la puissance militaire, NTIC -transparence démocratique ou nouveau totalitarisme ?-, ingérence, obsolescence des États, privatisation de la guerre, matières premières, compétitions sportives mondialisées, déclin de l’Europe ?
Prière de me donner une suite favorable ! Merci