Une Women Tribune qui a fêté ses cinq ans dans la belle ville d’Essaouira au Maroc, ce mois de mai dernier. La WTE d’Essaouira est un espace d’échange devenu incontournable dans la région et qui est toujours aussi militant et en avant garde sur les questions épineuses et problématiques qui taraudent la femme méditerranéenne. C’est un combat que mène Fethia Bennis envers et contre tout ce qui nourrit et alimente les lenteurs des rouages politiques économiques et sociétaux à l’encontre de la femme marocaine et « …parfois, et cela est dit sans flagorneries, je me sens profondément découragée, car l’on continue de ne pas vouloir appliquer les articles de la Constitution ( article 19 de la Constitution marocaine ) qui garantissent les droits pour les femmes » ! Nous confie-t-elle. Pour Fethia Bennis, il est clair que le 21e siècle sera féminin ou ne sera pas !
Fethia Bennis bio expresse :
Doctorante en Relations économiques internationales, Fethia Bennis s’est imposée dans un milieu hautement masculin : celui de l’économie et les finances. D’abord cadre supérieur à Bank Al-Maghrib, elle enchaine, entre autres, la direction de dossiers sensibles comme le FMI et la restructuration du marché monétaire national.
De 1998 à 2000, elle devient la première femme directrice générale de la Bourse des Valeurs de Casablanca et accepte ensuite de revêtir le costume de directeur général de l’O.N.M.T.
Elle est actuellement présidente-directrice générale de Maroclear, dépositaire central des titres au Maroc. Elle est également membres de onze associations, dont le Women’s Tribune qu’elle a fondé.
Reportage de Fériel Berraies Guigny on location et photos de Diane Cazelles
La Women’s Tribune dans son édition 2014 est en toile de fond d’un contexte politique certain, marquée par l’échéance des élections communales prévue aux alentours de 2015 (…). SM le Roi Mohamed VI avait en effet déclaré, lors du discours du 9 mars 2011, qu’ « il fallait renforcer la participation de la femme à la gestion des affaires régionales et, d’une manière générale, à l’exercice des droits politiques ».
D’où le thème principal de cette 5ème édition: La régionalisation au féminin. Promesses, atouts et enjeux ».
Tout un programme pour les deux jours qui ont été marqués par la participation de nombreux experts, universitaires politiques et personnalités issues du milieu associatif venues du Nord comme du Sud.
Une WTE toujours égale à elle-même et qui ne cesse de débattre sur la nécessité de militer pour une démocratie participative paritaire. Avec cinq tables rondes centrées sur l’Organisation des pouvoirs, la régionalisation et la place des femmes et les retour d’expériences que ce soit au Maghreb ou en Afrique subsaharienne”, ou encore “L’action des ONG, fondations et associations nationales et internationales : leur rôle dans le développement régional”
Les panels ont été animés par des responsables officiels, chercheurs, universitaires, politiciens (femmes et hommes) et représentants de la société civile du Maroc, de France, du Maghreb et d’Afrique.
Entretien avec Fethia Bennis :
Les femmes émancipées donneront les hommes libres de demain ? Oui, je suis tout à fait d’accord car c’est en libérant les femmes de notre région que l’on construira la société de demain. La preuve, c’est qu’on a éduqué des garçons avec le sentiment qu’il est « l’enfant roi » il faut vraiment que cela change.
Le Maroc reste en effet assez « conservateur et féodal » sur certains points ? Jusqu’à présentc’était le cas. Mais on a enfin pris conscience de la chose, les femmes marocaines veulent faire bouger les choses.
Le déclic ? Je dirai que la prise de conscience a commencé depuis la fin des années 2000. Et beaucoup de femmes s’insurgent sur ces rôles prédéfinis qui entravent toute perspective de parité ?
Si vous aviez à faire un bilan de votre « Women Tribune » cinq ans cela n’est pas rien ?!Oui, cinq ans avec des avancées et des défis aussi. Je pense que l’on s’est beaucoup amélioréet cette édition le prouve avec le thème des femmes et de leur place dans la régionalisation.Les intervenants sont de très hauts niveaux.
Sabah Chraibi au centre, grande militante de la cause de la femme marocaine
Le printemps arabe a quand même entrainé des lenteurs ? Oui, il est vrai que beaucoup de personnes d’Europe avaient décommandé dans les éditions précédentes. Mais le Maroc à l’instar des autres pays frères, n’a pas eu de « printemps arabe » car la réaction de sa Majesté a été assez rapide et avisée pour faire taire lesprotestations. La Constitution marocaine était déjà faite, bien avant la secousse politique qui a touché la région.
Constitution oui, mais les articles sont-ils tous appliqués ? Certains d’entre eux non malheureusement, mais ils sont plus explicités aujourd’hui, dans la nouvelle Constitution. Sa majesté le Roi était visionnaire, il a su prendre les devants.
Meriem Bensalah Chaqroun Présidente de la CGEM
Parlez-nous de votre thématique sur la régionalisation pour cette édition de la WTE ?C’est une question endémique et qui s’impose aujourd’hui, du moins au Maroc, on est en pleine élection communale et en plein projets de régionalisation avancée. Je pense sincèrement que la question de la régionalisation concerne aujourd’hui tout le monde, c’est un passage obligé pour la démocratie.
C’est dans le cadre de la régionalisation que le civil participe le plus ?Absolument,c’est véritablement un passage obligatoire pour tous !
Si vous aviez à faire le bilan sur la situation des femmes dans la région depuis les révolutions ? Pour la Tunisie, je suis enfin rassurée après tout ce qui s’est passé. Pour l’Algérie, je ne suis pas du tout rassurée car je me demande où ce simulacre de « démocratie » va aller. Entre les discours officiels et la réalité, il y a toute une marge ! Et où sont les femmes en Algérie ? il n’y a qu’une seule femme qui s’est présentée aux élections c’est Louisa Hanoune. Ce n’est pas suffisant !
l’ancienne MAE italienne Emma Bonino et la journaliste tunisofrançaise Sophie Bessis
Je plains les égyptiens, quand je vois ce qu’est devenu ce magnifique pays, j‘ai le cœur meurtri. Les égyptiennes sont véritablement en danger. Il y a un risque s’il y a des intégristes au pouvoir et si ce sont les militaires qui gardent le pouvoir, je ne suis pas persuadée pour autant que la place de la femme égyptienne sera une priorité.
Syrie ? C’est vraiment difficile à comprendre, je ne comprends pas cet immobilisme et je sais qu’il y a des calculs géopolitiques des grands qui nous dépassent. Le laisser faire et les actions d’Assad doivent cacher quelque chose qui nous dépasse totalement. Je ne connais pas bien la région, mais en tout cas c’est gravissime pour le peuple syrien.
La Libye ? Je pense que les femmes sont invisibles et si elles tentent de sortir, on les ramène chaque fois « à la maison »je me dis et c’est terrible de le penser, qu’au moins avec Kaddafi, elles étaient plus présentes !
La WTE a démocratisé la parité ?En tout cas quand on avait commencé ; on avait une majorité de femmes pour dix hommes, aujourd’hui, cela commence à prendre plus et on a une cinquantaine d’hommes. C’est important pour nous cette évolution, car on a fini par comprendre que le dialogue était nécessaire et constructif.
UFFP c’est le mouvement des altermondialistes, les indignés du Monde, qu’auriez-vous envie de dire face au tout capitaliste qui broie l’humain ? Je pense que nous devons changer de système, car nous avons des catastrophes en série, simplement parce que l’homme n’est plus au centre. Je crois que la finance solidaire et tout ce qui prépare, va ramener l’homme au centre !
Le changement ? Il se fera par le peuple, par en bas, car le nombre est là. C’est une question de temps et c’est inéluctable.