De notre reporter UFFP : Hakima Bedouani Kernane
C’est lors de la dernière édition de la Women’s Tribune d’Essaouira en septembre dernier où notre webzine était partenaire média, rappelons d’ailleurs, que cette édition avait mis le focus sur l’importance de l’engagement des femmes dans le cadre du développement durable, que UFFP a pu rencontrer Saïd Mouline, directeur général de l’Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables ADEREE (Maroc) pour évoquer avec lui les principaux défis environnementaux et énergétiques qui taraudent le pays.
Le Maroc vit une situation de dépendance énergétique. Subventionnée par l’État, l’énergie pèse lourd sur le budget. Les pouvoirs publics vont-ils opter pour le développement des énergies renouvelables ?
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Vous avez vraiment touché le point clé. En effet, pour pallier à cette dépendance qui étrangle le budget de l’État, les pouvoirs publics souhaiteraient développer les énergies vertes. Nous avons bien évidemment des programmes pour le développement des énergies renouvelables mais leur mise en œuvre est plus au moins compliquée. Je m’explique : l’utilisation du chauffe eau solaire, par exemple, semble être plus difficile à se généraliser et ce en raison de la pratique des prix du gaz butane, plus attractifs pour le consommateur grâce à la subvention accordée par l’État à travers la caisse de compensation. Par conséquent, le citoyen marocain préfère acheter un chauffe eau à gaz plutôt qu’un chauffage solaire laquelle est pourtant une énergie propre, non importée, ni subventionnée. Je dois dire, que dans ce contexte et suivant la logique de la stratégie mise en place pour l’économie de l’énergie, nous sommes dans l’obligation de revoir ce schéma de la caisse de compensation. Suite à ces réformes, nous pourrions mettre en œuvre nos solutions techniques et pérennes en matière d’énergies renouvelables quelles soient pour l’usage domestique ou professionnel.
Plus concrètement, quelles sont les principales actions de votre agence ?
Nous travaillons principalement sur deux volets. Le premier volet rentre dans le cadre du programme ‘‘jihatinou’’. Ce dernier nous permet, entre autres, de procéder à l’identification des sites disposant des ressources en matière d’énergies propres comme le vent, le soleil etc. Ce programme, qui couvre toutes les régions du royaume, a pour objectif de déterminer avec précision les potentialités de chaque région en matière de ressources pour le développement des énergies renouvelables. D’autant plus que ces énergies sont moins couteuses que les énergies dites fossiles. Le deuxième volet concerne la mise en œuvre d’une stratégie permettant la réalisation des économies substantielles dans la production ainsi que dans la consommation des ces énergies y compris dans le domaine économique et plus particulièrement les secteurs des transports, de l’industrie, du bâtiment et de l’agriculture.
Plus concrètement, dans le secteur du bâtiment, on construit les logements en tenant compte des nouvelles règles régissant le secteur du bâtiment en matière d’isolation. Je tiens également à préciser que l’utilisation des énergies renouvelables ne pourrait se développer si elle n’est pas accompagnée de dispositifs réglementaires régissant le secteur dans sa globalité.
La généralisation de l’utilisation des énergies renouvelables est incontestable. Or, le contexte de la crise économique permet-il de parler des énergies propres alors que la pays fait face à des difficultés pour satisfaire les besoins les plus élémentaires ?
Justement notre pays est dépourvu de ressources énergétiques. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons encore dépendre de l’extérieur pour notre approvisionnement. Le développement des énergies renouvelables est une urgence pour le royaume. Cela dit, il est clair que cette alternative est valable pour tous. Car la disponibilité des ressources fossiles est limitée dans le temps et les répercussions des changements climatiques nous incitent à regarder plus vers les énergies propres. Au Maroc, nous avons avancé dans les débats. Nous sommes dans la phase d’étude de faisabilité notamment sur l’impact du développement des énergies renouvelables sur le développement local, la création des emplois ainsi que la formation des jeunes. Cette phase concerne également la mise en place d’une stratégie nous permettant de trouver les financements nécessaires pour la réalisation des programmes dans ce sens. Dans le même contexte, l’Agence Masen a piloté, en partenariat avec un groupe saoudien et des partenaires espagnols, un grand projet de production d’une capacité de 500 MW d’énergie solaire à Ouarzazate d’ici 2015. Vous voyez que de grands pays pétroliers s’intéressent également à cette filière qui est, à mon sens, une énergie d’avenir.
Les marocains habitant dans les zones rurales adhèrent-ils à la perspective de l’utilisation des énergies renouvelables ?
Vous avez raison de souligner ce point car il est très important. Nous avons effectivement procédé à des campagnes de sensibilisation à l’intention des décideurs locaux et des citoyens pour expliquer l’importance du recours aux énergies renouvelables. Même si le pays a actuellement d’autres priorités, ce volet doit être pris en charge dès à présent. Pour conclure, je dirais que contrairement à ce que l’on croit, les nouvelles générations sont très sensibilisées aux problèmes environnementaux grâce à l’éducation. De ce fait, l’espoir d’une adhésion progressive est permis.