Samir Abdelmoula Secrétaire d’Etat tunisien au Développement Durable « les éléments d’une nouvelle gouvernance démocratique, et la responsabilité des développeurs pour un tourisme durable » !
Le Tourisme en Tunisie et dans la région est mis à mal depuis le post printemps arabe et le développement de cette filière est menacé. La Révolution du jasmin, le mouvement de révolte populaire qu’il ait été spontané ou pas, a dévoilé la face cachée de la Tunisie. Il a mis sous les feux des projecteurs, pas mal de problématiques autrefois cachées et colmatées. Mais ce mouvement historique a aussi eu un effet vertueux, il a libéré « les gens, la parole, mais également l’action » !
Cependant aujourd’hui, tout reste à faire ou à refaire en Tunisie. La Tunisie a une base solide, un peuple érudit d’une manière générale. La femme tunisienne est encore plus libérée pour ne pas dire LIBRE. Le peuple tunisien est très ouvert sur son environnement international. Et presque quatre ans après le Printemps Arabe, on s’approche de plus en plus de la nouvelle Constitution. Car la Société Civile, n’a jamais cessé d’œuvrer envers et contre tout ce qui risquait d’entraver sa marche vers une dignité, le progrès et une liberté retrouvée.
UFFP, présente à la 8e édition de la Semaine Economique de la Méditerranée à Marseille ce mois de novembre dernier, a rencontré Samir Mejdoub en marge du panel de l’IPEMED sur l’eau et le tourisme durable, le Secrétaire d’Etat tunisien au Développement durable pour faire un bilan du tourisme dans le pays.
Par Fériel Berraies Guigny. Photo Diane Cazelles
Entretien avec le Secrétaire d’Etat au Développement Durable
Comment sortir du Tourisme de masse et pour autant rester rentable ? La question de rentabilité est immédiate et elle se fait sentir chez les hôteliers et chez ceux qui travaillent dans le secteur touristique. C’est aussi une préoccupation pour l’Etat tunisien car les revenus touristiques ont baissé.
Quelles sont les perspectives pour le tourisme tunisien aujourd’hui ? Aujourd’hui, l’Etat tunisien a sur le dos des dettes énormes et il doit les combler, d’une façon ou d’une autre. Par rapport à cela, tout le monde est sensible, mais l’on n’est pas encore sur la même longueur d’onde.
Développement durable ? Sur la question de la durabilité en Tunisie, on est encore un peu loin, et cela je le dis, sans être pessimiste ou négatif. Et cela ne concerne pas uniquement la Tunisie, mais d’autres pays de la région également. Le professeur Denis Meadows de l’Université d’Harvard était un des coauteurs du fameux livre Manifeste « Limits to growth » c’est à dire halte à la croissance. Il avait été interrogé il y a quelques années à la conférence climatique de Rio : on lui avait demandé quarante ans après que pensez-vous du développement durable ?
Il avait répondu on a raté le coche et aujourd’hui, c’est trop tard, place à la résilience !
On a trop consommé sur le Capital terre, d’une manière générale et un peu partout et dans plusieurs endroits et plusieurs sujets, cela est irréversible.
Mais qui a vraiment conscience de cette irréversibilité ? Seules les personnes qui vivent dans ces situations et qui du jour au lendemain, perdent leurs ressources, le comprenne vraiment. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas le même type de conscience que Monsieur Meaddows. Ils ont juste une conscience humaine et sociale et l’on ne demande pas plus que ça, d’ailleurs.
Que faut-il alors pour faire prendre conscience ? Il faut les éléments d’une nouvelle gouvernance démocratique, participative et également, la responsabilité des développeurs. Ils peuvent être publics ou privés, ils peuvent chercher à gagner de l’argent ou tout simplement, construire de l’infrastructure et puis c’est tout. Les développeurs quels qu’ils soient, doivent inclure et intégrer dans leur projet de départ, le développement durable.
Quelle est la place du développement durable dans la nouvelle Constitution ? Elle est bien là et d’ailleurs, c’est l’un des rares pays en développement qui a une Constitution qui consacre une place importante au développement durable. On demande à ce qu’il y ait réellement une prise de conscience chez le citoyen sur la nécessité de préserver notre patrimoine naturel et nos ressources culturelles.
Le Tourisme écologique ? C’est une alternative qui commence à voir le jour timidement. Nous sommes en train de travailler sur une réglementation qui facilite cette orientation. Car aujourd’hui, il n’y a rien en termes d’attractivité, aucun avantage du tourisme écologique par rapport au tourisme de masse. L’Etat doit s’impliquer à cet effet, pour sortir du concept du tourisme de masse.
Des gites ruraux existent ? Oui nous avons déjà une dizaine de gites ruraux, maisons de campagnes qui font de la cuisine traditionnelle, des produits du terroir, des randonnées, de la spéléologie, la découverte de sites naturels pour voir les oiseaux migrateurs. Mais ce sont surtout le civil et les Associations qui sont impliquées. Il faudrait en fait rentabiliser cela, déformer l’esprit du business pour le business.
Quel Tourisme pour le long terme ? Il y aurait plusieurs tourismes alternatifs : le tourisme historique, le tourisme culturel, le tourisme écologique, le tourisme de santé, le tourisme des séniors.
En termes d’entrée, les enjeux sécuritaires ? Cela nous a affecté, on ne peut le cacher, le quai d’Orsay a beaucoup joué dans ce sens pour la Tunisie et le Maroc. Nous sommes également pour la protection des touristes, mais cela n’est pas aussi alarmiste qu’on le pense et pour deux raisons : globalement pendant les trois dernières années on a eu 20 millions de touristes. Cette année pendant la saison touristique à Djerba et Sousse, on était rempli. Mais il faut se dire que si le marché français a baissé, d’autres marchés ont augmenté : l’Allemagne, la Russie on a eu 10% d’augmentation et dans les mêmes conditions géopolitiques. On doit le dire, jamais aucun touriste n’a été inquiété en Tunisie et on touche du bois, ni sur la côte, dans le désert et en montagne.
Mais nous restons vigilants et nos forces de sécurité et l’armée font un travail extraordinaire pour le citoyen tunisien et les touristes.
Votre bilan des dernières élections ? Notre pays est sur la bonne voie de réussir sa transition démocratique, selon ce qui a été tracé consensuellement dans la nouvelle Constitution de janvier 2014 et je suis très optimiste. Le pays a encore besoin d’un consensus national, c’est ce qui nous a sorti de la crise politique d’il y a une année. C’est le dialogue national et tous les partis politiques ont conscience de cela pour stabiliser le pays.
Un laboratoire démocratique viable de la région ? Oui c’est un passage nécessaire mais nous sommes sur le bon chemin, j’en suis convaincu.
La SEM et l’atelier IPEMED quel apport ? Ce genre de rencontre est important, elle peut servir à développer davantage nos stratégies communes entre les deux rives de la Méditerranée et les différents pays de la Méditerranée. Tous les pays du bassin méditerranéen, dépendent les uns des autres et notre passé est commun et notre avenir ne pourra être que commun. A la sortie de la table ronde de l’IPEMED, j’ai compris que l’on peut réellement fédérer nos efforts et partager certaines valeurs. Et une certaine façon de faire les choses, non seulement en tant qu’Etat mais aussi en tant que Société Civile. Cette idée par exemple de la constitution d’une organisation pour gouverner la ressource eau en Méditerranée, est une bonne initiative qui s’intègre complètement dans un autre processus auquel nous participons et qui est la stratégie de la Méditerranée dans le Cadre de la Commission Méditerranée et développement durable. Nous sommes en train de mettre à jour la stratégie méditerranéenne du développement durable et dans laquelle l’eau en tant que ressource est l’un des enjeux majeurs. C’est une occasion pour lancer ses outils qui peuvent paraître complexes qui prennent du temps, mais c’est notre sort commun.
Le Tourisme pour l’humain en méditerranée ? Cela fait en effet parti des défis de la coopération euromed et j’en connais plusieurs qui y croient. Il faudrait éclaircir certaines notions, travailler un peu plus certains paramètres pour assurer une paix durable dans la région.
Par Fériel Berraies Guigny. Photo Diane Cazelles
Entretien avec le Secrétaire d’Etat au Développement Durable
Comment sortir du Tourisme de masse et pour autant rester rentable ? La question de rentabilité est immédiate et elle se fait sentir chez les hôteliers et chez ceux qui travaillent dans le secteur touristique. C’est aussi une préoccupation pour l’Etat tunisien car les revenus touristiques ont baissé.
Quelles sont les perspectives pour le tourisme tunisien aujourd’hui ? Aujourd’hui, l’Etat tunisien a sur le dos des dettes énormes et il doit les combler, d’une façon ou d’une autre. Par rapport à cela, tout le monde est sensible, mais l’on n’est pas encore sur la même longueur d’onde.
Développement durable ? Sur la question de la durabilité en Tunisie, on est encore un peu loin, et cela je le dis, sans être pessimiste ou négatif. Et cela ne concerne pas uniquement la Tunisie, mais d’autres pays de la région également. Le professeur Denis Meadows de l’Université d’Harvard était un des coauteurs du fameux livre Manifeste « Limits to growth » c’est à dire halte à la croissance. Il avait été interrogé il y a quelques années à la conférence climatique de Rio : on lui avait demandé quarante ans après que pensez-vous du développement durable ?
Il avait répondu on a raté le coche et aujourd’hui, c’est trop tard, place à la résilience !
On a trop consommé sur le Capital terre, d’une manière générale et un peu partout et dans plusieurs endroits et plusieurs sujets, cela est irréversible.
Mais qui a vraiment conscience de cette irréversibilité ? Seules les personnes qui vivent dans ces situations et qui du jour au lendemain, perdent leurs ressources, le comprenne vraiment. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas le même type de conscience que Monsieur Meaddows. Ils ont juste une conscience humaine et sociale et l’on ne demande pas plus que ça, d’ailleurs.
Que faut-il alors pour faire prendre conscience ? Il faut les éléments d’une nouvelle gouvernance démocratique, participative et également, la responsabilité des développeurs. Ils peuvent être publics ou privés, ils peuvent chercher à gagner de l’argent ou tout simplement, construire de l’infrastructure et puis c’est tout. Les développeurs quels qu’ils soient, doivent inclure et intégrer dans leur projet de départ, le développement durable.
Quelle est la place du développement durable dans la nouvelle Constitution ? Elle est bien là et d’ailleurs, c’est l’un des rares pays en développement qui a une Constitution qui consacre une place importante au développement durable. On demande à ce qu’il y ait réellement une prise de conscience chez le citoyen sur la nécessité de préserver notre patrimoine naturel et nos ressources culturelles.
Le Tourisme écologique ? C’est une alternative qui commence à voir le jour timidement. Nous sommes en train de travailler sur une réglementation qui facilite cette orientation. Car aujourd’hui, il n’y a rien en termes d’attractivité, aucun avantage du tourisme écologique par rapport au tourisme de masse. L’Etat doit s’impliquer à cet effet, pour sortir du concept du tourisme de masse.
Des gites ruraux existent ? Oui nous avons déjà une dizaine de gites ruraux, maisons de campagnes qui font de la cuisine traditionnelle, des produits du terroir, des randonnées, de la spéléologie, la découverte de sites naturels pour voir les oiseaux migrateurs. Mais ce sont surtout le civil et les Associations qui sont impliquées. Il faudrait en fait rentabiliser cela, déformer l’esprit du business pour le business.
Quel Tourisme pour le long terme ? Il y aurait plusieurs tourismes alternatifs : le tourisme historique, le tourisme culturel, le tourisme écologique, le tourisme de santé, le tourisme des séniors.
En termes d’entrée, les enjeux sécuritaires ? Cela nous a affecté, on ne peut le cacher, le quai d’Orsay a beaucoup joué dans ce sens pour la Tunisie et le Maroc. Nous sommes également pour la protection des tourismes, mais cela n’est pas aussi alarmiste qu’on le pense et pour deux raisons : globalement pendant les trois dernières années on a eu 20 millions de touristes. Cette année pendant la saison touristique à Djerba et Sousse, on était rempli. Mais il faut se dire que si le marché français a baissé, d’autres marchés ont augmenté : l’Allemagne, la Russie on a eu 10% d’augmentation et dans les mêmes conditions géopolitiques. On doit le dire, jamais aucun touriste n’a été inquiété en Tunisie et on touche du bois, ni sur la côte, dans le désert et en montagne.
Mais nous restons vigilants et nos forces de sécurité et l’armée font un travail extraordinaire pour le citoyen tunisien et les touristes.
Votre bilan des dernières élections ? Notre pays est sur la bonne voie de réussir sa transition démocratique, selon ce qui a été tracé consensuellement dans la nouvelle Constitution de janvier 2014 et je suis très optimiste. Le pays a encore besoin d’un consensus national, c’est ce qui nous a sorti de la crise politique d’il y a une année. C’est le dialogue national et tous les partis politiques ont conscience de cela pour stabiliser le pays.
Un laboratoire démocratique viable de la région ? Oui c’est un passage nécessaire mais nous sommes sur le bon chemin, j’en suis convaincu.
La SEM et l’atelier IPEMED quel apport ? Ce genre de rencontre est important, elle peut servir à développer davantage nos stratégies communes entre les deux rives de la Méditerranée et les différents pays de la Méditerranée. Tous les pays du bassin méditerranéen, dépendent les uns des autres et notre passé est commun et notre avenir ne pourra être que commun. A la sortie de la table ronde de l’IPEMED, j’ai compris que l’on peut réellement fédérer nos efforts et partager certaines valeurs. Et une certaine façon de faire les choses, non seulement en tant qu’Etat mais aussi en tant que Société Civile. Cette idée par exemple de la constitution d’une organisation pour gouverner la ressource eau en Méditerranée, est une bonne initiative qui s’intègre complètement dans un autre processus auquel nous participons et qui est la stratégie de la Méditerranée dans le Cadre de la Commission Méditerranée et développement durable. Nous sommes en train de mettre à jour la stratégie méditerranéenne du développement durable et dans laquelle l’eau en tant que ressource est l’un des enjeux majeurs. C’est une occasion pour lancer ses outils qui peuvent paraitre complexes qui prennent du temps, mais c’est notre sort commun.
Le Tourisme pour l’humain en méditerranée ? Cela fait en effet parti des défis de la coopération euromed et j’en connais plusieurs qui y croient. Il faudrait éclaircir certaines notions, travailler un peu plus certains paramètres pour assurer une paix durable dans la région.
Merci monsieur le Secrétaire d’Etat !