Dans notre série Made in Tunisia with love, UFFP est allée ce mois de février passé sur la terre de ses ancêtres, de Tunis à Sfax, elle a pu s’entretenir avec toute une jeunesse en ébullition qui proposent des start up et des projets tous aussi innovants que durables.
photos all rights reverved Né à Tunis
Une grande fierté que ces jeunes qui malgré une conjoncture économique et sociale extrêmement difficile ( prés de 30 % de la population tunisienne souffre du chômage depuis le printemps arabe) continuent de faire bouger les mentalités et les lignes de leur société. Voici donc dans notre série, l’un de ces corporate green ou créatif durable.
Né à Tunis est une très jolie marque de déco et design éthique et durable, rencontrée sur Tunis. Un gros coup de coeur UFFP comme ce fut le cas pour Tinja, décidément les jeunes s de Tunisie, n’ont rien à envier aux autres. Et c’est d’autant plus méritoire lors que le meilleur du patrimoine local est mis en avant, tout en respectant de façon consciente ou « inconsciente » les valeurs si chères à UFFP.
Nous nous sommes entretenu avec le créatif derrière cette jolie griffe déco design Chemseddine El Mechri:
pourquoi Né à Tunis?
Je voulais que se dessinent les contours d’objets tunisiens. Des objets qui s’assument et qui soient fiers de leur tunisianité.
De l’idée qui y a conduit au savoir faire qu’ils ont nécessité, passant par les matières et les ressources, je voulais que tout soit tunisien. Né en Tunisie m’a semblé lourd et politique. Le choix de Né à Tunis comme nom de marque est donc plus emblématique d’un pays que d’une capitale par rapport à d’autres régions. Il ne se veut donc surtout pas régionaliste. J’essaye de placer le choix de ce nom au delà de pareilles considérations partant du principe que, bien au contraire, toutes les villes tunisiennes représentent très bien notre pays. D’ailleurs tous les produits que je conçois nécessitent des ressources, des savoir-faire et des solutions d’autres régions. «Né à Tunis» est une série d’expériences sans cesse renouvelables que je mène à l’occasion de la réflexion sur chacun de mes objets, ces derniers devenant un prétexte pour découvrir de nouvelles possibilités, de se lier avec tel ou tel créatif…etc.
Parlez nous de la marque, son univers? qui est derrière la marque?
J’ai fondé cette marque en 2005. J’avais alors 24 ans et frais et utopiste comme j’étais je pensais pouvoir changer le monde. Je pensais que tous les tunisiens allaient être sensibles à mes créations et que ces dernières allaient changer considérablement la façon dont nous vivons nos intérieurs. Les premières années ont été décevantes pour moi car mes créations n’ont pas rencontré le succès espéré. Il m’a fallu attendre quelques années avant que ça commence à marcher.*
La rupture nette que j’ai sans m’en rendre compte faite au départ avec notre patrimoine et les éléments de notre identité a fait que le public ne s’est pas identifié en ce que je fais et n’a pas « accroché ». en avançant j’ai essayé de faire attention à ce point et de faire de sorte que le côté cosmopolite et universel des créations ne soit pas une entrave au phénomène indispensable à leur réussite : qu’ils parlent au public, que ce dernier puisse spontanément se les approprier. Les modèles dessinés depuis 2010 revendiquent un capital symbolique. Ils traduisent une tunisianité fière de ce qu’elle est tout en étant ouverte et capable d’aller vers l’autre.
Le durable et le design et la créa pourquoi ce choix?
Curieux, grand randonneur et voyageur, j’ai toujours éprouvé le besoin de découvrir, de me déplacer, de m’immiscer dans des environnements différents afin de comprendre leurs logiques et les mécanismes de leur fonctionnement, souvent différents des nôtres.
Le domaine de ma recherche, touchant à la fois à l’Anthropologie, au Patrimoine, à l’Art et au Design, a fait, lui aussi, que je m’intéresse à des questions comme l’éthique et le responsable dans différents domaines et surtout dans le design.
Ayant eu la chance de former de nombreux groupes d’artisans depuis 2005, j’ai été amené à considérer de très près la réalité de leur métier et les problèmes dont ils souffrent et qui empêchent la plupart de s’assurer d’un niveau de vie digne par l’exercice dans l’artisanat.
Je crois que c’est tout un parcours, semé de rencontres et d’expériences fortuites ou recherchées qui a fait que je m’intéresse au design solidaire et au développement durable et que j’en fasse un des piliers principaux de mon activité. Ca n’a pas été un choix conscient mais plutôt un tournant prévisible suite à une prise de conscience graduelle de la réalité de l’artisanat en Tunisie et ailleurs, et qu’il nous appartient, créatifs, d’y réagir.
Réinventer le patrimoine en quelque sorte et le valoriser?
Dans un pays faible en ressources comme le notre, puiser dans nos propres possibilités et richesses constitue, dans l’absolu, une bonne alternative. Dans le design, comme dans tous les domaines, il s’agit de réfléchir sur les possibilités s’offrant à nous à travers une reconjugaison de nos potentialités. Et en matière de patrimoine, ces dernières (les potentialités) sont innombrables. Fruits de brassages multiples et d’échanges avec nombreux peuples ayant vécu et construit en Tunisie, nous avons de nombreuses techniques ancestrales aussi riches les unes que les autres, et permettant de tirer profit avec beaucoup d’ingéniosité et de bon sens, de ressources et de matériaux locaux disponibles et pas chers. Nous avons également un climat des plus cléments, une carte géographique réduite ce qui nous permet de nous déplacer de milieu en milieu et de cadre en cadre avec beaucoup de facilités…
Tout ceci m’encourage à essayer de réinventer notre patrimoine, d’en revisiter certains aspects et d’en questionner d’autres pour préparer le terrain à d’autres interventions.
A l’instar de l’UFFP, investir dans l’enrichissement du patrimoine est un excellent moyen, il me semble, de pérenniser ce patrimoine d’abord en y insufflant une nouvelle vie et de le capitaliser pour les générations futures. Ça prévient la perte de ce patrimoine et empêche qu’il soit sclérosé.
Économiquement c’est une vraie aubaine pour les jeunes créatifs qui doivent se montrer précautionneux et ne pas reproduire des chemins de pensée et de pratique favorisant le kitsch et le mauvais gout comme l’est souvent le cas malheureusement.
Où vendez vous, votre cible, votre clientèle?
l international? des salons?
Je veux que mes produits touchent aussi bien le tunisien que Etranger. Je suis ravi de voir que des tunisiens s’intéressent de plus en plus à ce que je fais. Le contraire m’aurait fortement déçu car je n’ai jamais prévu de dessiner des produits élitistes ou prétentieux. Le fait que des tunisiens manifestent de l’intérêt démontre que, enfin, je commence à atteindre un équilibre entre le coté conceptuel de mes créations d’un côté, celui expérimental qui me pousse à tout le temps essayer de nouvelles pistes et celui ‘conciliant’ qui, au delà de l’aspect joli ou ethnique pour l’étranger peu initié à notre culture, arrive à refamiliariser le public tunisien avec un aspect de sa culture. Pour le moment je n’ai toujours pas fait les salons internationaux. J’attends de définir une collection forte et homogène qui représentera bien, je l’espère, le Design et le savoir tunisiens tels qu’ils doivent être véhiculés à l’étranger.
tunisia-made-with-love-2014