Le MAN Mouvement pour une alternative non-violente existe depuis 1974, a pour objectif de promouvoir la non-violence et de faire valoir sa spécificité dans la vie quotidienne, dans l’éducation et dans les luttes sociales et politique. Par la réflexion, l’action et la formation le MAN cherche ainsi à promouvoir par la stratégie de l’action non-violente , une société de justice et de liberté. C’est une fédération de groupes locaux, il y a 22 groupes implantés dans la plupart des grandes villes et aussi un groupe en Océan Indien (la Réunion et Mayotte). Yvette le Bailly fait partie du groupe du MAN Lyon et a été pendant plusieurs années un(e) des porte parole du mouvement.
Entretien avec UFFP
Comment agit il?
Il agit sur deux plans:
– le changement personnel: qui passe notamment par le développement des compétences psycho-sociales, et la résolution non-violente des conflits. De nombreuses formations sont proposées sur ces thèmes. Le Man assure fréquemment des interventions auprès des élèves de tous niveaux (de la maternelle au lycée) et auprès des parents. Le MAN a créé des Instituts de Formation (IFMAN) qui assure la formation des professionnels du monde de l’éducation et de l’animation
– le changement structurel: Le chômage, le racisme, la discrimination, l’injustice, la mauvaise répartition des richesses ….exercent des violences très fortes sur les citoyens. Le MAN agit aussi sur ces sujets, notamment avec l’association ATD pour refuser la misère. Conscient du rôleprédominant de la publicité, qui diffuse le plus souvent des images sexistes, et de la télévision auprès des enfants, le MAN a œuvré pour l’interdiction de la la publicité sur la télévision publique dans les programmes jeunesse.
Vous avez lancé une pétition aussi pour la dénucléarisation ?
Le MAN a aussi lancé une campagne (pétition, lobbying auprès des parlementaires, action de rue) pour une France sans arme nucléaire. Nous avons été satisfait que le prix Nobel de la Paix 2017 reconnaisse ce combat
Parlez nous des violences faites aux femmes
Contrairement à ce qu’on pense souvent les femmes sont plus victimes de violence de la part de leur entourage que de personnes inconnues dans la rue. En France, les violences conjugales qui peuvent prendre la forme de violence physique, verbale, psychologique, économique….. concernent 10%des femmes, et tous les trois jours une femme meurt de violence conjugale (pour les hommes c’est 1 décès toutes les 3 semaines).
Quid des violences sexuelles ?
Les campagnes menées actuellement mettent en lumière les violences sexuelles qui font partie des violences « invisibles », que notre société banalise. Une femme sur cinq et un homme sur quatorze déclarent avoir déjà subi des violences sexuelles. Dans 81% des cas, les victimes sont des mineurs. Dans 94% des situations, les agresseurs sont des proches, une victime sur deux est agressée avant l’âge de 11 ans (enquête UNICEF 2014). C’est effarant et scandaleux. Ces crimes sont la plupart du temps impunis. Si beaucoup de victimes ne parlent pas, c’est soit qu’elles ont développé une amnésie traumatique, soit parce que cela leur semble dangereux de parler (peur de déstabiliser la famille: dénoncer son violeur est une charge énorme), soit parce que personne ne peut entendre ou voir l’impensable, ou encore qu’elles se sentent coupables de ce qu’elles ont subi. Tous portent à vie les conséquences de ces crimes.
Mais un mouvement anti silence est en route ces temps cis?
Des femmes, nombreuses, ont fait sauter la chape de silence, de déni et de sarcasmes qui les faisaient taire en tant que victimes . Cette explosion s’est faite sur les réseaux sociaux, avec le risque d’une délation dangereuse dans ses effets. Sans doute était-ce inévitable: la pression de la violence reçue était devenue trop forte, intolérable. On salue ce mouvement courageux des femmes qui ont osé se montrer, parler, dénoncer, publiquement, cette monstruosité de la violence sexuelle. En le faisant elles ont pu commencer à sortir de la honte et se montrer entières, avec leur blessure, briser le « faire semblant que ça va « , malgré la déflagration et le chaos intérieurs. Pour autant, ce ne pouvait être qu’une étape. Dénoncer ne suffit pas. Risquer de mettre l’opprobre sur les auteurs des agressions n’est pas la justice. Et la justice n’est pas thérapie. Justice et travail personnel restent indispensables.
C’est pourquoi pour le MAN la pétition lancée par 100 femmes « Monsieur le Président, décrétez un plan d’urgence contre les violences sexuelles, semble si importante et totalement dans les valeurs de la non-violence. La violence reçue s’est transformée en combat non-violent. C’est un vrai soulagement de voir dans cette pétition tout l’accent mis sur la prévention. Il est nécessaire de faire plus encore. C’est pendant toute la scolarité que doit être proposée une formation (et non un enseignement) aux compétences relationnelles. Apprendre à vivre avec soi même et les autres, c’est un parcours de vie. De même, au delà des sanctions pour les délits commis, proposer un accompagnement aux auteurs, hommes majoritairement mais aussi femmes, est indispensable. Leurs actes de délit, aussi odieux soient-ils, sont signes d’une profonde souffrance et d’une incapacité à considérer l’autre comme sujet. Ils sont eux aussi des « sujets », mais cela nécessite qu’il leur soit offert la possibilité de trouver le chemin de leur responsabilité en relation.
Pas que les mentalités à travailler ?
Pour lutter contre la violence faite aux femmes, il faut avancer dans tous les domaines: la prévention, l’éducation, le changement de mentalité, la lutte contre une société trop machiste et sexiste, la formation des professionnels accueillant des victimes de violence conjugale….Ledispositif législatif, et judiciaire doit aussi évoluer, on peut se réjouir que la violence psychologique soit maintenant reconnue comme un délit et que le viol entre époux soit qualifié pénalement.
La journée du 25 novembre contre les violence faites aux femmes était l’occasion de mettre plus en lumière encore cette mobilisation sur le terrain. A plusieurs reprises, le MAN Lyon a fait ce jour là des interventions pour des lycéens sur le respect dans la vie amoureuse, à la demande du collectif lyonnais qui organise des animations le 25 novembre.
Vous êtes engagée dans le mouvement depuis quand ?
Je suis engagée au MAN depuis sa création en 1974, j’ai eu plusieurs fonctions dont celle de porte parole. Habitante à Lyon, je participe à l’activité du groupe local du MAN Lyon. J’ai collaboré à plusieurs ouvrages notamment sur la Médiation, et Insécurité et Violences. J’ai exercé le métier d’assistante sociale, j’ai fait plusieurs formations complémentaires notamment en analyse systémique et thérapie familiale. J’ai obtenu en 2009 un Diplôme universitaire en criminologie et j’ai eu l’occasion de travailler 3 mois au Québec auprès d’une association qui proposait un accompagnement psycho-social aux auteurs de violence conjugale.
Merci Yvette le Bailly !