Yasmina El Alaoui : lauréate du prix société civile France Maroc Burkina Faso
Franco marocaine, à la recherche de ses racines et d’une intégration qui lui fait défaut, c’est à 18 ans que yasmina sac à dos, décide de partir pour une véritable quête identitaire et initiatique. Partir pour mieux se trouver et décider de son port d’attache, là où elle se sentira le mieux en accord avec sa biculturalité qu’elle a du mal à assumer en France. De ses pérégrinations, elle finit par échouer sur la douce contrée du Burkina Faso. Elle y pose ses valises y fonde une famille. Et bien plus tard, en 2007, elle fonde dans son quartier « la Maison des jeunes, des cultures et des associations » comme pour rendre « un peu » de ce qu’elle a reçu toutes ces années dans son pays d’ adoption.
Une maison de quartier dont la seule religion est le partage, la solidarité et l’acceptation de l’autre
Entretien coup de cœur avec UFFP
Yasmina quel est votre moteur au quotidien, ce qui vous passionne ? Ce qui me passionne en fait, c’est avant tout l’anthropologie des échanges, car je suis une métisse. Au départ, je ne connaissais pas mes racines marocaines et j’avais un besoin alors d’aller aux sources de moi même. Du Maroc, j’ai continué la route par le désert et je suis arrivée au Burkina Faso. En fait, je ne me satisfaisais pas de la vision que l’on me donnait du Sud, et ce, depuis que je suis toute petite. Car ayant beaucoup souffert de racisme en France, même si c ‘est difficile à croire encore aujourd’hui, une partie de moi réfutait toutes ces thèses sur cette région. Depuis ma maternelle, on me traitait « de sale bougnoule, jusqu’à mes dix huit ans »…
Partir en Afrique pour mieux comprendre et moins souffrir ? Oui j’avais ce besoin de partir en Afrique pour faire quelque chose et « vivre avec » et partager et découvrir la culture au passage. Beaucoup d’occidentaux disent « je pars en Afrique faire quelque chose » mais moi j’avais aussi envie de « vivre avec « ! Etant arabe et non occidentale, mon retour en Afrique était une logique et puis quand vous rentrez au pays comme par ex au Maroc « c’est vraiment la communauté qui accueille l’enfant du pays » j’ai vécu cela aussi en Mauritanie.
Le Burkina Faso ? Dans le Sahel, j’ai pu être moi même, car l’on ne me demande pas de choisir entre l’état arabe et l’état occidental. Or pour un métisse, ou un enfant de deuxième génération on ne veut pas choisir car l’on est soi même. On prend simplement ce qui est à prendre. Le Sahel est le carrefour des civilisations avec les caravanes et toutes ces traites commerciales on se retrouve à la croisée de pas mal de cultures. Je me suis sentie moi même, au carrefour de toutes ces religions et cultures, sans avoir à choisir qui je devais être. J’étais tout simplement.
Qu’aimez-vous dans le quotidien du Sahel ? J’aime le mélange, j’aime la vie communautaire, c’est le côté anthropologue en moi, j’essaye toujours de m’interroger sur tout, comprendre les autres pour savoir comment mieux se situer soi même par rapport au reste du monde. Quand on comprend les autres, on finit aussi par mieux se comprendre.
Le dépouillement vous attire en fait ? Oui c’est ce qui m’a attiré au Burkina Faso, le fait de partir de rien, le fait d’enfin pouvoir se reconstruire à zéro tout en ayant cette légitimité de vivre, un besoin immense que j’avais alors, tellement j’avais été rejetée. A dix huit ans, tout était possible.
Dunia la vie Burkina, parlez nous de cette Association ? Quand elle fut crée elle avait deux missions : la première s’articulait autour de l’éducation des enfants. Mais quand je suis partie en France pour chercher des financements et travailler avec les enfants, je me suis rendue compte que la vision était encore beaucoup trop négative. J’ai donc décidé de faire de l’éducation à travers le développement, au travers d’échanges culturels. Du coup on avait plus d’argent car l’on donnait une vision trop positive. Tant il est vrai que quand on parle d’Afrique en France, on a un regard sceptique ;
Il fallait alors faire changer le regard ? Oui car j’ai constaté que quand on regarde quelqu’un avec une vision égale, quand on lui fait confiance et que l’on cesse de se dire « il ne s’en sortira jamais » là vous avez découvrir ce qu’il porte et tous ces talents. Un regard bienveillant peut vous apporter cela.
L’idée est en somme de changer le regard que l’on a sur les personnes modestes ? Oui absolument, toutes les personnes qui travaillent dans ma maison de quartier, de prime abord, on pourrait ne pas penser qu’ils ont un potentiel. Et moi même, je suis émerveillée au quotidien par leurs capacités et leur créativité. Du coup je sais que le regard que je vais poser sur les jeunes du quartier qui vont travailler comme animateur, sera crucial car il faut qu’ils prennent confiance en eux mêmes.
L’idée est de décentraliser les projets de base sur une périphérie urbaine ? Oui à la base, c’est cette optique là, mais la maison de quartier est aussi là pour encourager les nouvelles vocations. Aujourd’hui on est plus d’une trentaine et on développe pas mal de différentes activités. D’activités de cirque, au tissage, au football, tout y est.
Harubuntu ? Un exercice qui m’a amenée à me poser les bonnes questions et à me rappeler le pourquoi de ce projet initial et la fierté de voir un projet qui continue, avec un véritable aboutissement.
Qu’avez vous envie de dire aux jeunes, aux femmes, ceux qui sont dans la mouvance des altermondialistes de UNITED FASHION FOR PEACE ? Qu’il faut avancer, qu’il faut croire en soi, qu’il ne faut jamais baisser les bras quelque soient les circonstances, pas de compromis avec soi même !