« Pas de démocratie sans égalité » : C’est le slogan lancé par les femmes arabes pendant les manifestations mais aussi celui du FIDH et de sa Présidente Souhayr Belhassen.
Les législations actuelles pourront-elles enfin avancer dans le sens d’une égalité pleine et entière ? Les réserves à la Convention sur l’élimination des discriminations à l’égard des femmes, seront-elles prises en compte?
Partout dans le monde arabe face aux secousses du printemps dernier, le combat des associations de défense des droits des femmes pour l’égalité est plus important que jamais, pour Souhayr Belhassen il faut être vigilent pour préserver nos acquis. Aux vue de l’actualité régionale mais aussi internationale, suite aux événements sanglants en Egypte et certains débordements en Tunisie, le pire comme le meilleur est à craindre pour les femmes et la génération post révolution. Il faut éviter le retour de manivelle, soit l’expression bâillonnée car cela fait parti des outils qui relèvent du passé. Aujourdhui, les gens ont le droit d’être informés dans une Tunisie qui va vers les élections.
Entretien avec la Présidente du FIDH
1/ Les femmes du Maghreb sont aujourd’hui dans un état d’alerte maximum ? le FIDH avait lancé dernièrement un slogan » pas de démocratie sans égalité » ? Effectivement le slogan démocratie et égalité a été lancé mais il ne doit pas être creux pour autant. Evidemment notre tâche est lourde autant pour les défenseurs ou défenseures que les féministes. Aujourd’hui comme vous pouvez le constater, le conservatisme et la réaction font loi sur le terrain; cette menace est à nos portes et ils ont déjà pénétré la maison avec une accélération dangereuse à la veille d’échéances électorales, que ce soit en Tunisie ou en Egypte. Evidemment avec un aspect extrêmement grave comme on a pu le constater en Egypte, où il y a eu des morts et cela est une réalité de l’Egypte. Il y a une hétérogénéité de la population égyptienne mais il ne faut pas oublier, que les coptes sont égyptiens. Ce que nous avons eu en ce début du mois d’octobre est absolument effrayant. Il faut montrer du doigt les autorités égyptiennes post révolutionnaires qui ont pris le pouvoir, il faut les dénoncer dans la mesure où ils reprennent les anciennes méthodes !
2/ la justice populaire en Egypte qui s’en est suivie vous en pensez quoi? on a tous vu appréhender Moubarak, il s’est fait juger avec une scénographie qui n’est pas du tout respectable! Aujourd’hui, ce qui guette l’Egypte en tout cas l’impression que l’on a, c’est que la Révolution de la place tahrir a lâché ses démons ! des démons racistes, xénophobes, le rejet de tout ce qui n’est pas arabe et musulman et ça, c’est malheureusement les égyptiens qui vont le payer en tout cas une partie de la population égyptienne. Si aujourd’hui, il n’y a pas une dénonciation forte de la société égyptienne et des partis d’opposition sans oublier la communauté internationale, si il n’y a pas une réaction forte et déterminée pour demander une commission nationale d’enquête tout à fait indépendante pour dénoncer ce qui s’est passé en Egypte. Cela doit mobiliser non seulement les égyptiens mais aussi les sociétés arabes post révolutionnaires !
On a pas encore vu de dénonciation de ce qui s’est passé en Egypte ni de la part des Tunisiens ni des libyens? Où est la révolution aujourd’hui si on admet que du racisme et de l’intolérance se développe dans un pays nouvellement libéré!
Il n’y a pas si longtemps en Tunisie, on s’en est aussi pris aux vestiges romains de la chrétienté, talibanisation ? Je réfute le terme talibanisation, je ne suis pas dans une vision occidentale, c’est un terme dangereux même s’il est utilisé pour faciliter la compréhension. La société tunisienne n’est pas issue des talibans, cela n’existe pas en Tunisie. Ce qui existe en Tunisie, c’est par contre la présence de 200 salafistes activistes prêts à mourir pour leur cause, complètements possédés par leur idéologie et leur mobilisation est là. Ils se déchainent à la faveur d’une libéralisation du contexte, ils ne sont plus réprimés et on ne connaissaient pas vraiment les salafistes jusqu’à la révolution. Auparavant oui, il y avait des islamistes, mais aujourd’hui j’ai des preuves qu’il y a 200 salafistes qui opérant dés qu’il y a un événement. Que ce soit lors de la présentation du film de Nadia El Fani sur la laïcité, ce sont les mêmes qui ont attaqué Nessma la chaine de télévision privée. Simplement parce qu’ils ont diffusé le film de la réalisatrice iranienne Morjane Rastrappi.
Timing opportun? Oui absolument ! y a pas de moment opportun, c’est aujourd’hui l’argument des islamistes et des salafistes. C’est toujours le moment de s’exprimer librement. Il faut au contraire que l’acte de diffuser à l’Africa, laïcité inchallah se fasse dans la norme, c’ est presque devenu un acte de bravoure! C’est la libre information qui doit circuler. Aujourd’hui, la laïcité est en débat car le danger islamiste nous guette. Retourner en arrière, avec des comportements rétrogrades pour les femmes, voila ce qui peut se profiler. Dans les islamistes il y a des gens ouverts, c’est important de ne pas confondre. Le film de Satrapi participe de l’éducation et de l’ouverture d’esprit du citoyen tunisien. Je soutiens la diffusion de ce genre de film et je m’élève contre ceux qui soutiennent les islamistes par opportunisme politique aujourd’hui. Les 200 salafistes se sont déployés et c’est beaucoup plus grave, car ils n’ont pas sorti les couteaux mais ont choisi de s’attaquer à la chaine de télévision. Il ya eu pire, il y a mobilisation des salafistes dans la région de Gafsa, des centaines de personnes sont sorties dans la rue pour soutenir les salafistes, où va ton dans un pays fragile? c’est un moment crucial, un moment où le déploiement de la citoyenneté est extrêmement important. C’est au véritable tunisien, cad celui qui est le fruit de siècles de culture qui doit faire un acte de citoyenneté, agir en tant que citoyen et voter. Peu importe pour qui il vote !
Etre tunisien aujourd’hui une fierté? oui je suis fière et je le répète, non pas en tant que femme ou tunisienne mais comme Présidente de la FIDH pour avoir vu plusieurs pays avoir traversé les difficultés de la transition sans s’en sortir. La manière dont la Tunisie a mené son bateau même s’il tanguait dangereusement. Il faut en féliciter toutes les parties, même l’opposition a fait preuve de mesure et de sagesse quand il a fallut s’arrêter pour s’entendre. Je ne parle pas des islamistes. C’est ça le tunisien, le tunisien a une culture du consensus qu’ il faut faire prévaloir à chaque fois en l’informant. Il ne faut pas cacher la réalité, je ne diffuse pas par ex le film de Satrapi car c’est une question de timing. Si c’est le bon moment, on a droit à une information libre et indépendante. La FIDH donne la parole à des associations qui luttent depuis longtemps pour les droits des femmes en Tunisie, en Égypte, en Algérie, au Maroc, à Bahreïn, au Yémen, en Jordanie…
Les femmes tunisiennes entrepreneurs sont elles menacées dans la nouvelle configuration politique à venir? non je n’ai aucune crainte à ce sujet, l’islamisme ne menace pas l’entreprise privée je ne pense pas du tout que les islamistes en général et en particulier en Tunisie, sont contre l’entreprise privée et le libéralisme et on le voit d’ailleurs au travers des hommes d’affaires qui versent des fonds au parti Ennahdah qu’ils soient nationaux ou internationaux. Les femmes chef d’entreprise ne seront pas découragées, pourvu qu’on réussisse et que l’on entreprenne et que la communauté musulmane puisse s’exprimer. Cette catégorie n’est pas menacée elle restera privilégiée du moment qu’elles ont les moyens de développer du Capital?
Catégories vulnérables qui alors? je crains que les catégories défavorisées ceux en dessous de la classe moyenne, celles qu’on décourage en leur donnant de 5 à 30 DT en leur disant réveillez vous, c’est mieux de rester à la maison pour élever vos enfants plutôt que de travailler dans la rue. C’est cette catégorie là qui est en danger. Ces femmes ne sont pas encadrées, elles sont pas sensibilisées, elles sont pas formées politiquement. C’est cette catégorie là qui est la cible des islamistes. Elle est récupérée il faut pas se voiler la face, mais pourquoi? c’est une catégorie de personnes qui ont été martyrisée du temps de Ben Ali. 20000 personnes de ces catégories ont été mises en prison du temps de l’ancien régime. Je ne défends pas l’idéologie islamiste pour autant. Il faut dire que la répression et tous les exactions subies laissent des traces.
La société civile, libérale, démocratique qu’avez-vous fait? on a fait au-delà de nos moyens parcequ’on les a défendu et on a été menacés même dans nos vies !
Cette fermeture et ce décalage comment l’expliquer? c’est l’héritage de Ben Ali, nous les femmes on a pas pu se mobiliser. Quand vous pensez que la ligue tunisienne des droits de l’homme pendant dix ans n’a pas pu se déployer car entourés de flic, comment voulez vous sensibiliser une population victime vers un discours moins orienté vers l’islamisme? les islamistes on ne leur pas fait de cadeau et dans chaque foyer il y avait un islamiste qui était agressé sinon harcelé ou mis en prison ou pire tué et rien que cela ça mobilise. Donc aujourd’hui il est difficile de les mobiliser ! ces gens sont donc solidaires entre eux, ils recueillent aujourd’hui le gain de leur mobilisation pendant les années Ben Ali. En neuf mois on ne peut retourner la situation faut pas se faire d’illusion. La lutte entre les classes est là parce que les pauvres n’avaient ni le droit de vivre ou de dire quoi que ce soit. Nous découvrons la Tunisie dans son entièreté pauvres, riches, classe moyenne.
Classe politique mea culpa? ce que je reproche à la classe politique actuelle c’est de se dire démocrate et libérale voulant progrès et modernité dans le sens de l’égalité et la parité. Toutefois ce qui nous interpelle dans cette conjoncture à la veille des élections, c’est que le discours n’est pas clair ni net. Il ne coupe pas avec l’islamisme, les partis restent dans une entre deux car ils pensent récupérer l’électorat. Faire la cour à l’électorat islamiste, selon eux pourrait les amener vers un centrisme où elle s’est toujours trouvée d’ailleurs. Encore une fois on est dans le consensus, c’est la culture du tunisien. Il a un héritage réformiste important et culture du consensus, deux valeurs qui ne sont pas mises en avant par les partis qui se déclarent modernistes et démocrates. Pas de démocratie sans égalité on l’entend pas, une égalité à plusieurs variables selon eux, qui viendra à terme. Nous sommes dans une Tunisie post révolutionnaire et c’est aujourd’hui qu’il faut dire les choses. Malheureusement les partis non islamistes et même de gauche ne sont pas dans la clarté convaincante.
Un discours électoraliste de convenance? tout le monde est en train de se positionner c’est claire, il n’y a pas que la sensibilité islamiste à ménager, il faut aussi laisser les autres, cad les vrais démocrates, s’exprimer.
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