Chronique « L’Autre consommateur » chez UFFP
Par Ezzedine El Mestiri, grand reporter et Fondateur du Nouveau et l’Autre consommateur
Jamais on n’a autant parlé du vert dans les villes. Architectes, jardiniers, citoyens s’activent pour relier ville et nature. Les citadins expriment un véritable besoin de se réapproprier leur alimentation mais aussi de renouer un contact avec la terre, à travers des espaces verts et des jardins.
Introduire l’agriculture en ville et créer la cité potagère : le rêve utopique de chaque génération. Alors pourquoi pas des fermes en centre-ville… Sortir l’agriculture des campagnes, produire des fruits et des légumes dans des tours…
En 2005, l’urbaniste américain Dickson Despommier a imaginé une ferme verticale. La même année, deux architectes français, Augustin Rosenstielh et Pierre Sartoux de l’agence SOA, ont lancé leur projet de « Tour Vivante » en imaginant différents modes d’implantation de fermes verticales. Une revendication d’une « architecture de la poésie, du rêve et de la joie de vivre ».

Dans le domaine de l’agriculture urbaine, les projets fleurissent. Pas de limites à l’imagination des paysans et des architectes pour visualiser des fermes entre les immeubles, des plantations horizontales, des « serres verre » au sommet des buildings.
Le projet Urbanana, par exemple, part du constat qu’il n’y a pas, aujourd’hui en Europe, de ferme de bananes en raison des contraintes de mûrissage et de transport. Alors pourquoi ne pas profiter pleinement de l’éclairage naturel urbain en faisant pousser des bananiers à la verticale, le long d’une façade d’immeuble dont la hauteur équivaut à six étages ? Mais, introduire l’agriculture en ville n’est pas une mince affaire, tant les enjeux sont importants. En aucun cas il ne peut être question de remplacer une agriculture à la campagne par une agriculture en ville.
La culture sans autorisation !
Ce sont des jardiniers clandestins qui s’attaquent aux villes. Ils sortent souvent la nuit, seuls ou en groupe. Au fond de leurs poches, de petites boules de terre s’entrechoquent. Ils lancent des bombes à graines et avec l’air de rien, ils les lanceront sur le sol délaissé d’une friche urbaine. Avec un peu de chance, dans quelques jours, cet espace fleurira. Leur combat s’appelle la guérilla jardinière. Inventé à New York dans les années 1970, le terme a retrouvé son apogée après la publication en 2003 d’un ouvrage, On Guerilla Gardening, traduit en français en 2010 (Editions Yves Michel). L’auteur, Richard Reynolds, se consacre à cette activité qu’il présente sur son site (Guerillagardening.org) et donne des conférences sur le sujet dans le monde entier. Sa définition est toute trouvée : « La guérilla jardinière, c’est la culture sans autorisation de terrains qui ne vous appartiennent pas. »

Chez le citoyen, les signes d’un intérêt grandissant pour la nature se manifestent sous différentes formes. Organisée ou spontanée, l’envie de jardiner démange les Français. Mais plus qu’une nouvelle passion pour le vert, elle traduit un désir de changement plus profond. La mode du « tous au jardin » exprime un besoin de nouveaux styles de vie au centre desquels se trouveraient privilégiées la nature et les relations humaines.
Le vert comme remède au mal-être
Les Français accordent désormais une place nouvelle et primordiale au végétal. Les dernières enquêtes de l’Union nationale des entreprises de paysages (Unep) confirment que les Français réclament plus de vert dans de nombreux aspects de leur vie quotidienne. L’étude, « Le Jardin, un bien social à partager », révèle que 9 personnes sur 10 considèrent la présence de la nature comme essentielle pour leur équilibre quotidien. 7 personnes sur 10 déplorent le manque de végétation en ville. Même chose en ce qui concerne le lieu de travail : 36 % des personnes consultées souhaitent voir installés des espaces de repos végétalisés pour les employés. Le vert comme remède au mal-être au travail ! L’Unep vient de dévoiler en février son Palmarès exclusif des villes les plus vertes de France. Quelles sont aujourd’hui les véritables « éco-cités » ? Angers, Nantes et Limoges, champions toutes catégories parmi les 50 plus grandes villes de France. Mise en avant du patrimoine végétal urbain, fort taux d’investissement, existence d’un plan « biodiversité » : autant de critères où les villes de France se distinguent.
Nous n’avons pas attendu cette mode verte pour planter. Les jardins collectifs existent depuis la fin du XIXe siècle. Néanmoins, depuis une dizaine d’années, cette pratique connaît un engouement tout à fait remarquable. La France compte déjà 200 associations, 25 000 jardiniers et 150 000 parcelles. Mais la demande de terrains explose en ce moment : A Paris et en région parisienne, il faut attendre cinq à sept ans pour obtenir un jardin !
En ces temps de crise économique et environnementale, nous ressentons tous le besoin de retrouver une communauté qui a du sens autour de nous. C’est pour cette raison que le phénomène des jardins partagés, est en plein essor : une volonté de travailler avec ses mains, et avec ses voisins… Ces jardins partagés sont des espaces verts, principalement trouvés dans les milieux urbains, où les gens d’un voisinage se partagent de petites parcelles de terre sur lesquelles ils peuvent faire pousser fleurs, herbes aromatiques ou légumes. Ce n’est pas sans rappeler les jardins ouvriers et familiaux qui furent très populaires durant la Seconde Guerre mondiale, apportant un complément alimentaire vital.
En ce temps de morosité et de doute, nous continuons à penser que l’apaisement et le bien-être peut se faire par plus de vert et de nature… Une belle aspiration optimiste.