Zeinab Salbi Irak : Présidente de Women for Women International

  • By SLKNS
  • 19 mars 2012
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Zainab Salbi est une écrivain américaine d’origine irakienne. Activiste dans le domaine du social elle est la cofondatrice et la présidente de Women for Women International. Née en Irak, elle a quitté son pays d’origine pour s’installer aux Etats Unis à l’âge de 19 ans, son expérience avec la guerre entre l’Irak et l’Iran l’a sensibilisée à la situation des femmes dans la guerre à travers le monde. Elle est très engagée par rapport aux femmes victimes des conflits armés et combat toutes les formes de violence auxquelles elles sont soumises. Grâce à une petite équipe Women for Women International essaye de sensibiliser l’opinion publique et survole le Monde là où les femmes sont en détresse pour prêter assistance aux femmes survivantes des conflits les plus ravageurs:, Bosnie, Ruanda, Kosovo, Nigeria, Colombie, Afghanistan, RDC, Irak, Soudan etc L’ONG a aidé près de 243,000 femmes à travers le Monde en sensibilisant sur leurs droits et leur a fourni des prêts de microcrédit, a formé des milliers de femmes dans la sensibilisation aux droits, et a aidé des milliers d’autres à démarrer leur propre petite entreprise.

Entretien:
1/ Zeinab Salbi qui êtes vous? je suis irakienne j’ai vécu une bonne partie de mon enfance dans ce pays. Je suis une femme qui a grandi dans la guerre et cela a véritablement forgé la femme que je suis aujourd’hui. Egalement ma vision du monde et de la vie. En étant au premier plan quand on est témoin d’un conflit mais également en second plan puisque je la subissais sans y prendre part. J’ai eu la chance d’avoir eu une mère qui nous a protégés, je suis allée à l’école normalement, et j’étais très équilibrée même au milieu des sirènes et des bombes.

2/ Et votre père comment se positionnait il? Avec lui, c’était un entre deux les coulisses du pouvoir et le face à face. Il travaillait pour Saddam, il était pilote. Les Weekends ou en soirée on les passait avec la Famille de Saddam Hussein. Nous vivions avec l’élite irakienne de l’époque. Au petit matin, je redevenais cette petite fille qui allait à l’école.

3/ Mais la guerre vous a rattrapé comment? j’entendais en fait mes camarades de classe parler de l’exécution d’un père ou d’un oncle; ou qu’un parent qui aurait péri durant un affrontement ou en prison. C’est là que je réalisais la dichotomie du fait de grandir dans un contexte d’injustice. Cette pensée allait de plus en plus m’obséder à mesure de que je grandissais.

4/ Le grand saut en Amérique, c’est à vingt ans? oui et quelque part je suis devenue le lien et aussi l’emblème de l’affrontement entre le Nord et le Sud. Le Monde arabe et les Etats Unis ce n’est pas toujours un long fleuve tranquille. J’ai cependant décidé de dépasser cela car je m’intéresse à toutes les femmes du Monde impliquées dans les conflits armés. Ces deux perspectives sont en constant mouvement et il faut arriver à les faire cohabiter sereinement.

Le changement c’est la thématique de cette édition du Forum, vous y croyez? oui c’est l’ère de la femme le 21e siècle, il nous faut aujourd’hui être unies et solidaires. Il nous faut faire le lien, construire des ponts pour pouvoir s’écouter, s’entraider quand on est dans le besoin. Il nous faut cette solidarité qui nous manque tant pour faire face. Et c’est la définition même de Women for Women International.

Women for Women International est votre bébé? j’ai décidé de le créer j’avais en fait une vingtaine d’années. L’élément catalyseur? le génocide en Bosnie. Bizarrement et naïvement, je n’avais jamais pensé un jour entendre parler d’un conflit qui aurait eu la même ampleur que la guerre en Irak. A l’international, je n’étais pas très consciente politiquement des choses. Je pense même que ma culture me demandait de ne pas trop m’intéresser à ce qui pouvait se passer en dehors de mes frontières d’origine. Ce sont les médias qui vont m’y initier, ils ont fait une sorte d’éducation. Les camps en Bosnie où les femmes étaient numérotées pour ensuite être livrées à des viols de masse. Cette terrible histoire date d’il y a dix sept ans. Mais en vérité, elle ne fait que se répéter dans beaucoup de pays et notamment en Afrique. A l’heure où nous parlons des centaines de milliers de femmes congolaises sont en train de se faire violer. C’est un échec terrible pour l’humanité.

Que faire pour sensibiliser sur ce fléau? Je pense sincèrement qu’il faut nous réveiller et rappeler les consciences sur ces tragédies qui restent endémiques dans la région. Il faut en parler et utiliser tous les moyens possibles pour nous faire entendre.

L’Afrique est un Continent de diversité et de disparité la même chose pour le Monde arabe, ne craignez vous pas également que l’Occident ait une vision faussée de nos réalités et qu’il récupère politiquement? Je suis tout à fait d’accord avec vous. Il faut combattre les clichés. Regardez moi je suis irakienne et non voilée! mais si je veux qu’une femme me respecte je dois également respecter son désir de se voiler.
Cela est la source du respect de l’autre et cela est au centre de nos croyances en islam. Il faut accepter les diversités de la religion. Si aujourd’hui nous avons le fondamentalisme, ce que je considère être un retour a l’âge des ténèbres, c’est bien parce que l’on ne respecte pas ces valeurs de tolérance. Ma mère me disait toujours tout ce qu’il te faut faire c’est sourire et remercier le bon dieu. Cela est mon islam !
Il ne faut pas laisser les individus manipuler la religion. Il y a tant de complexité et nous avons tendance à prêter l’oreille à l’extrémisme alors qu’il faut plutôt se fier sur l’opinion des populations concernées. Ma mère était croyante et pratiquante et elle m’a dit un jour  » tu ne dois pas nécessairement savoir cuisiner ou faire le ménage juste parce que tu es une femme »!
Ma mère est allée à l’Université, elle travaillait, en même temps qu’elle pratiquait sa religion. Il faut arrêter la confusion qui consiste à faire croire que ceux qui pratiquent la religion sont des victimes ou des gens opprimés. Nous avons le choix. La religion musulmane n’set pas en train de passer par l’obscurantisme que l’on dit!
La culture et la religion sont en passe de s’adapter au temps et à l’espace. En Irak, les femmes qui portent le tchador sont actives, beaucoup d’entre elles sont des activistes politiques, elles se battent pour le droit des femmes.

Comment dédramatiser les clichés de l’Occident? C’est la burqa de l’Occident elle rend aveugle on ne voit pas sur les côtés. Il faut aller au delà. L’Occident voit à travers ses yeux, c’est assez réducteur, pour eux il n’y a qu’une vision du monde.
Un type de femme, un type de liberté. Il faut plus de nuance, plus de mesure, plus d’ouverture de la part de l’Occident. Il y a tant de beauté dans l’Islam et comme l’a dit Bill Clinton  » Si Khadija était vivante de nos jours, elle serait la plus fortunée et la plus talentueuse des femmes d’affaires du Moyen Orient, nous devons ramener khadija  » !
Nous sommes toutes des Khadija si on le veut bien.

Etre irakienne aux Etats Unis cela fait quoi? Je n’ai pas eu de problèmes à ce sujet, j’ai toujours été privilégiée. Par contre je sais que beaucoup d’autres ont souffert après le 11 septembre, on a mis des gens en prison injustement, on a mis des foyers sous surveillance. Mais la beauté ce pays c’est son melting pot.

En Afrique qu’est ce qui vous a touché ? si on me disait que j’ai un an encore à vivre, j’irais sans hésitations au Congo. Je vivrai au Bukavu. La vie là bas est si entière. J’ai rencontré des femmes qui ont vu l’horreur et pourtant elles se sont relevées. Les femmes africaines sont les meilleures leçons que j’ai eu de la vie. Je me rappelle de cette femme jeannette, les miliciens sont venus à elle, ils ont coupé sa jambe en quatre morceaux, ils ont tué son mari, ils ont forcé ses enfants à manger la jambe de leur mère. Parce qu’un des enfants a refusé ils l’ont tué, il avait neuf ans!
Je la revois aujourd’hui, souriante me parlant de sa petite entreprise de ses enfants qui vont à l’école  » je ne renoncerai jamais, ils ont voulu anéantir mon âme mais je ne succomberai pas  » m’avait elle dit.
Women For Women Int fait beaucoup pour les femmes du Combat, nous avons lancé un marathon et nous avons courru pour toutes ces femmes pour leur dire que l’on pense à elles. Ce marathon pour le Congo s’est fait dans le monde entier et aussi au Congo où jeannette y a aussi pris part  » je me dis toujours si jeannette peut courir, qui sommes nous pour ne pas le faire » ?

Comment faire face aux viols de guerre? il faut sensibiliser, parler à l’humain, faire pression à tous les niveaux. Il faut créer des mouvements publics comme ce marathon, c’est ainsi que l’on crée une prise de conscience publique: les médias puis les individus finissent ensuite par s’en emparer.

L’Amérique voit comment l’Afrique? je pense sincèrement qu’elle minimise son importance, elle l’a voit encore et toujours comme le Tiers Monde. Elle n’est pas dans ses priorités. Mais la venue d’Obama est déjà un espoir mais il y a encore beaucoup à faire: reconnaitre l’esclavage, la discrimination envers les indigènes et les populations afro-américaines. Il y a encore beaucoup à faire au niveau des mentalités.

L’Afrique et le Monde arabe? Là aussi il y a beaucoup à faire. Les femmes arabes doivent aller vers leurs sœurs d’Afrique aussi! Il faut beaucoup de transformations aussi dans les sphères politiques et économiques. J’applaudis ce que vous faites avec New African Woman, en tant que femme arabe militant auprès de ses sœurs africaines. On a tant de choses à apprendre, il est temps pour nous de changer, d’arrêter de penser que l’on est les meilleures, ce n’est plus le cas. Il faut apprendre à partager.

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