Par diane Cazelles
Approche éthique de la fabrication de l’encens et de sa destination : interview de Fatoumata Daffe Duval, créatrice…
Merveilleux Encens ! Les Esprits et les Âmes se nourrissent de bons parfums !
Les plantes qui véhiculent un parfum sont considérés par les Dieux comme des « plantes soldats » du bien être. Nourriture spirituelle des Anges et des Âmes , elles sont sélectionnées pour purifier ces dernières lors de leur voyage dans l’au-delà, le Monde de l’Eternité. Brûler de l’encens, c’est donc faire la preuve de générosité et, en échange, Anges et Âmes prient pour votre bonheur et vous bénissent. C’est une belle histoire que raconte Fatoumata Daffé Duval, créatrice d’encens et de senteurs subtiles. Depuis des années, elle manipule et combine les racines, les bois, les sèves et les huiles pour le fabrication du wusulan…
Qu’est ce que le wusulan et d’où vient cet intérêt pour l’encens?
« Wusu » en bambara, langue parlée en Afrique de l’Ouest est un nom dérivé du mot « fumigation, chauffer, parfumer ». A l’origine, toutes matières 1ére destinées à exhaler de la vapeur (décoction de plantes) ou de la fumée (écorces, racines) s’appelait wusulan. Il est une création individuelle de chaque femme qui le fait, et les recettes sont souvent transmises de mère en fille. Mandingue d’origine, je me suis toujours intéressée aux plantes et ma grand mère en Afrique m’a initiée à cet art. Après mes études, la phytothèrapie va me permettre d’aller plus loin dans l’étude de cette science que je vais pratiquer au grès de mes nombreux voyages dans le monde entier.
Quelque peu délaissé, l’encens est un élément essentiel du patrimoine culturel africain. Issu d’ un savoir faire ancestral et en s’affranchissant de l’univers érotique auquel il a été longtemps associé, il s’étend à beaucoup d’autres domaines dans l’art de vivre et le bien être de notre époque ».
Vous utilisez les techniques traditionnelles. Comment le préparez vous?
« L’encens demande de la patience et beaucoup d’amour. Avant de pouvoir exploiter les plantes et les racines qui le composent, il faut les moudre, les faire macérer dans diverses huiles essentielles. Une macération d’au minimum 3 à 5 ans permet d’exploiter pleinement les plantes et d’obtenir la finesse olfactive. Comme un bon vin, plus les plantes se reposent, plus elles se bonifient ».
D’où viennent les plantes, les sèves ?
« Gomme d’Arabie, gwéni, vétiver, cannelle, huile d’amande douce, lavande, origan, rose…Ce sont chaque fois pour moi, des histoires de rencontre. Au cours de mes nombreux voyages en Asie, de mes séjours sur la terre africaine, en Provence, sur les marchés et dans les herboristeries, je n’avais de cesse que de trouver encore de nouvelles matières à travailler. Parcours de chercheur! Vanille en Martinique, clou de girofle en Algérie, benjoin en Asie, je sens et écrase les pétales de fleurs… et reste à l’écoute olfactive d’autres senteurs. Je découvre aussi les mauvaises méthodes. L’utilisation de la poudre de pneus, par exemple, remplaçant la résine naturelle en Asie, qui donne une fumée noire et cancérigène ».
Comment procédez vous ? Quels sont les particularités de vos créations ?
« Chaque plante composante a été choisie pour la combinaison de sa senteur singulière et de la charge symbolique de la providence. Chaque recette est travaillée selon la spécificité de la plante et selon des rites ancestraux et familiaux. Liés aux éclipses lunaires, les plantes se travaillent en concordance avec le temps et les saisons. J’utilise 12 à 13 ingrédients différents comportant des plantes, des racines, des écorces, des résines et des huiles essentielles pour chaque encens. Je rends ici hommage au travail magnifique de Adame Ba Konaré, qui a su si bien recenser les matières africaines dans son livre Parfums du Mali édité aux Éditions Cauris en 2007.
C’est par une recherche personnelle que mes recettes possèdent une senteur spécifique qui caractérise le parfum si authentique de mes compositions. Comme une recette de cuisine, les combinaisons produisent des parfums différents qui sont destinés chacun à des états ou des moments choisis. J’ai créé « Convivialité », « Méditation », « Amour », 3 compositions à 5 parfums (musc, ambre, santal, frangipanier et bouquet fleuri) en poudre ou en cône.
La fumée blanche qui émane de ces encens à base de sèves de plantes nous apporte la paix intérieure lors de nos prières. Mes créations sont curatives et antiseptiques pour l’air ambiant à cause de la gomme d’Arabie et la sève de figuier. Ces éléments sont des produits 100% organiques, naturels ».
Entre tradition et modernité, parlez nous de l’art de vivre et du bien être ?
« Les traditions islamiques rapportent que le prophète Mahomet aimait les parfums. Les Rois mages ont porté l’encens à la naissance du Christ. Le wusulan est depuis des siècles associé à des rituels, aux événements et aux modes de vie. Fête du mouton, rupture du jeun, les parfums sont répandus dans les maisons. C’est aussi une marque de savoir vivre et il s’utilise pour rendre l’atmosphère digne de celui que l’on reçoit. Antiseptique et odorant, l’encens chasse les mauvaises odeurs, les moustiques et les mouches… Il est un enjeu primordial de la coquetterie féminine et un produit de séduction. Les femmes se parfument par le bas, récoltant sous leur pagne les effluves de fumée odorante qui embaument les parties de leurs corps. Prévenante, elles placent aussi le boubou de leur homme au dessus du réchaud d’où émane leur parfum personnel ».
« L’art du parfumeur et ses connaissances permettent de doser l’encens en fonction de sa destination. Il est un réconfort, une aide au bien être et agit sur le psychisme. Le benjoin est réputé pour « fixer l’esprit » et accroitre la concentration intellectuelle. La myrrhe développe la sensibilité et la force intérieure. L’oliban, quant à lui, accroit la la volonté, la confiance en soi et la détermination. Ajoutez y toutes les vertus des autres ingrédients et vous aurez un cocktail de bienfaits adaptés à chacun ! »
Fatoumata Daffé-Duval, www.encensplaneteplantes.fr.gd et pour en savoir plus http://encens-compagnie.com/wordpressfr/?p=47